Humour : mieux vaut en rire (avec Sa Majesté Mamane) !
Et si le rire était enfin pris au sérieux en Afrique ? Les amuseurs publics parviennent désormais à vivre (plus ou moins bien) de leurs blagues sur le continent. Indispensables à la bonne santé des populations, ils restent tout de même surveillés du coin de l’œil. Petit état des lieux du secteur de la gaudriole avec l’un de ses plus illustres représentants : Sa Majesté Mamane.
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Léo Pajon
Journaliste pour la section culture(s) de Jeune Afrique.
Publié le 22 août 2017 Lecture : 3 minutes.
À l’école du rire africain
Les amuseurs publics parviennent désormais à vivre (plus ou moins bien) de leurs blagues sur le continent. Indispensables à la bonne santé des populations, ils restent tout de même surveillés du coin de l’œil.
Notre Leader Bienaimé, Son Excellence Président-Fondateur du Gondwana, altesse du rire grinçant, j’ai nommé Mamane – qu’un milliard de pétales de roses jonchent son chemin à travers l’Histoire –, a daigné nous faire l’insigne honneur de prendre la rédaction en chef de ce bien modeste dossier consacré à l’humour. Cela fait moins de trois mandats (huit ans) que ce grand monsieur (1,82 m avec ses talonnettes) règne sans partage sur les chroniques caustiques de RFI, et deux saisons qu’il préside Le Parlement du rire sur Canal+ Afrique avec ses hommes de main, pardon, ses vice-présidents, Michel Gohou, Digbeu Cravate et Charlotte Ntamack. Qui de mieux placé pour nous éclairer, nous humbles journalistes ?
Les humoristes africains commencent à vivre de leurs infernales activités.
C’est donc avec la plus impartiale impartialité, fidèles aux valeurs de notre magazine chéri, mais également sous la houlette ferme et toujours juste de Mamane, que nous avons abordé le grave sujet de l’humour en Afrique.
Car le sujet est grave. Festivals, émissions télé, spectacles… Jamais on ne s’est autant gondolé sur le continent. Les humoristes africains commencent à vivre de leurs infernales activités. Internet est contaminé par la poilade générale.
Pire encore, des femmes osent monter sur scène pour participer à cette répugnante orgie de rires qui, tel un virus, se répand partout, secouant les estomacs, agitant les zygomatiques et – comble de l’horreur – bousculant même parfois les cerveaux.
Heureusement, des esprits éclairés veillent. En avril 2016, par exemple, au Burundi, l’humoriste Alfred-Aubin Mugenzi, plus connu sous son nom de scène Kigingi, était arrêté puis transporté, bras liés dans le dos par une corde, vers un centre de détention de Bujumbura pour y rester trois bonnes journées.
On le voit, l’humour est donc un sujet sérieux.
Il avait eu l’outrecuidance d’ironiser dans un sketch sur le maintien au pouvoir de Pierre Nkurunziza, qui avait brigué un troisième mandat alors que la Constitution le lui interdisait. Or nous savons pertinemment que les Constitutions passent tandis que les vrais grands chefs d’État restent, l’actualité récente en fait suffisamment la preuve.
On le voit, l’humour est donc un sujet sérieux. Et ce n’est pas Mamane qui nous contredira sur ce point, lui dont la devise au Parlement du rire est : « Loyauté, allégeance, prison. » Beau programme !
Pour notre série sur l’humour africain, nous avons choisi comme grand et talentueux rédacteur en chef Mamane. Morceaux choisis :
« Je suis content qu’une nouvelle génération de femmes s’empare de l’humour. On change de point de vue. C’est pour cela que j’ai tenu à ce que Charlotte Ntamack soit dans l’équipe de mon émission Le Parlement du rire. Peut-être parce qu’elles font partie d’une minorité “dominée”, les filles frappent plus fort… mais aussi plus finement. Et comme on ne s’y attend pas, c’est d’autant plus efficace ! »
« Les youtubers font un autre métier que nous… Le passage à la scène n’est pas toujours concluant. Le public les préfère à l’écran. Faire le chemin inverse est tout aussi compliqué pour un comédien qui tenterait de percer sur internet ! En attendant, c’est un outil de promotion formidable pour nous tous : quand nous avons fait notre spectacle Sans visa, à L’Européen, à Paris, nous nous sommes appuyés seulement sur Facebook. La salle affichait complet. »
« On peut rire de tout, mais dans le respect de l’autre. Et cela vaut pour l’Afrique comme pour le reste du monde. En France, où l’on pourrait penser que la parole est plus libre, il y a des sujets qu’on ne peut pas aborder avec légèreté, comme la Shoah ou l’histoire coloniale, par exemple. Sur le continent, les drames du passé ne sont même pas des sujets. Les horreurs du présent font oublier ce qui s’est produit quelques années auparavant, et les historiens peinent à construire une mémoire collective. »
« La nouvelle génération de comiques manque parfois de recul, maîtrise mal le français, manque de culture générale. Or l’Afrique a besoin de pensée structurée et a soif d’Histoire. Pourquoi ne pas faire des sketchs pour parler de Lumumba, de Sankara ? Les humoristes de demain, je veux aller les chercher dans les facs ! »
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À l’école du rire africain
Les amuseurs publics parviennent désormais à vivre (plus ou moins bien) de leurs blagues sur le continent. Indispensables à la bonne santé des populations, ils restent tout de même surveillés du coin de l’œil.
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