Algérie : les raisons d’un remaniement surprise
Il n’aura pas tenu plus de trois mois. De retour de vacances, Abdelmadjid Tebboune a appris son éviction du poste de Premier ministre, au profit d’Ahmed Ouyahia. La passation de pouvoir a lieu ce mercredi 16 août.
Nommé le 24 mai, dans la foulée de l’élection législative du 4 mai, à la surprise générale, Abdelmadjid Tebboune restera dans les annales algériennes comme un Premier ministre éclair. Jamais un chef de gouvernement n’avait été limogé aussi rapidement.
Pourquoi Abdelmadjid Tebboune a-t-il été limogé ?
Les raisons de son départ sont multiples. Celui qui a remplacé Abdelmalek Sellal, un homme de confiance d’Abdelaziz Bouteflika, resté cinq ans aux manettes du pays, s’est rapidement mis à dos le patronat algérien. Le 15 juillet, Tebboune affiche publiquement son opposition à l’influent Ali Haddad, président du Forum des chefs d’entreprise (FCE) et proche de la famille Bouteflika.
Le rappel à l’ordre est immédiat. Deux semaines après l’incident, le Président aurait adressé une lettre à Abdelmadjid Tebboune se disant « agacé » de son comportement envers Ali Haddad, selon la chaîne de télévision privée Ennahar, connue pour être proche de Saïd Bouteflika.
Le chef de l’État ne serait pas en resté là et aurait durement critiqué l’action de son Premier ministre (contrôles inopinés de chantiers publics, gel de l’octroi de crédit etc.).
Ahmed Ouyahia va-t-il durer ?
Cinq ans après son passage à l’avenue du Docteur Saâdane, Ahmed Ouyahia, l’éternel joker de 64 ans, est de retour. Celui qui a déjà occupé trois fois le poste de Premier ministre (1995-1998 ; 2003-2006 ; 2008-2012) s’impose donc comme une pièce clef du système Bouteflika.
Est-il parti pour durer ? Etant donné son parcours et sa connaissance des rouages du pouvoir algérien, celui que beaucoup présente comme le dauphin naturel d’Abdelaziz Bouteflika devrait certainement rester plus longtemps que son prédécesseur et remettre de la stabilité après cette parenthèse estivale.
À quoi faut-il s’attendre ?
Intraitable, parfois radical, Ahmed Ouyahia est connu pour être l’homme des « sales besognes ». Alors qu’il occupait pour la première fois le poste de Premier ministre, sous les ordres de Liamine Zeroual, Ouyahia avait géré avec poigne une crise économique sans précédent, l’Algérie se trouvant en cessation de paiement. Il avait appliqué un plan d’ajustement structurel dicté par le FMI : arrêt des subventions sur des produits de première nécessité, licenciements massifs, gels des salaires… Autant de mesures qui ont suscité l’ire de nombreux Algériens.
Aujourd’hui, la situation est moins dramatique mais reste tout de même préoccupante. Il y a fort à parier qu’Ahmed Ouyahia, toujours aussi impopulaire, amorce un virage libéral.
Durant la dernière campagne des législatives, le patron du RND, deuxième parti du pays, s’est prononcé contre l’augmentation des salaires, le système de subvention généralisé et pour la libéralisation des petites entreprises publiques. Un avant-goût de sa future politique ?
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