Congo-Brazzaville : vers une révision de la Constitution avant la présidentielle de 2016 ?
Pour ou contre une révision ou un changement de la Constitution qui permettrait au chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso, de se représenter en 2016 ? Le débat fait rage. Le principal intéressé, lui, ne s’est pas encore clairement prononcé.
Congo na Bisso
La présidentielle aura lieu en 2016. Denis Sassou Nguesso, le chef de l’État, arrivera alors au terme de son second mandat. Selon la Constitution, il ne pourra pas se représenter puisque le président n’est rééligible qu’une fois. Sauf si la loi fondamentale est révisée d’ici là. À deux ans de l’échéance, les "pour" et les "contre" s’affrontent.
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Au sein de la majorité présidentielle, certains ont déjà défendu l’idée qu’une modification de la loi fondamentale était nécessaire. Des élus locaux, des ministres, et Justin Koumba, le président de l’Assemblée nationale, ont pris position pour que, le moment venu, le chef de l’État recoure à l’article 186 de la Constitution, qui prévoit qu’un projet de révision soit "soumis directement au référendum".
De leur côté, les constitutionnalistes et politologues dissèquent l’article 185, selon lequel "la forme républicaine, le caractère laïc de l’État [et] le nombre de mandats du président de la République ne peuvent faire l’objet de révision". Les uns y voient une disposition obsolète, les autres un veto définitif. Quant aux leaders de l’opposition, ils estiment que faire tomber cette restriction équivaudrait à signer un chèque en blanc au chef de l’État pour qu’il se maintienne au pouvoir.
"La question doit être posée sans tabou, mais il ne faut pas personnaliser le débat, car la notion d’alternance n’est pas liée à celle de changement de régime", précise Juste-Désiré Mondelé, secrétaire général du Club 2002-Parti pour l’unité et la République (PUR, majorité), fondé par l’homme d’affaires Guy Wilfrid Nguesso, neveu du chef de l’État. "La Constitution de 2002 est dépassée.
À l’époque, elle répondait aux attentes d’un pays qui sortait de la guerre civile, poursuit Mondelé. D’où ce présidentialisme fort, cet exécutif monocéphale face à un Parlement bicaméral, dont la mission de contrôle de l’action gouvernementale est réduite, puisqu’il ne peut déposer de motion de défiance ni sanctionner les ministres qui refusent de répondre à ses interpellations. Une nouvelle Constitution est donc nécessaire." Ce qui impliquerait le passage à la VIIIe République…
Gilda Rosemonde Moutsara-Gambou, la porte-parole du Mouvement citoyen pour le respect de l’ordre constitutionnel (qui regroupe des organisations de la société civile et des partis politiques), y est opposée. "Dans le contexte actuel, on peut envisager une révision de la Constitution, pas plus. Pour la changer, il faudrait qu’il y ait une crise politique ou un blocage des institutions, explique-t-elle. Or la principale motivation de ceux qui y sont favorables est le maintien d’une personne au pouvoir. Cela va à l’encontre des principes démocratiques qui prônent l’alternance et auxquels chacun doit se soumettre. Notre pays sera meilleur s’il y a un renouvellement à la tête de l’État."
La réflexion émane du camp des vainqueurs
Pour le moment, le Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) n’a pas défini de position officielle – et il ne le fera pas tant que le chef de l’État ne se sera pas exprimé. Mais il a débattu lui aussi. Mi-avril, le collège des partis de la majorité a été convoqué par son président, Pierre Ngolo, secrétaire général du PCT. Trois options ont été présentées : maintenir en l’état la Constitution, la réviser en partie, ou la changer. Dix jours plus tard, la commission chargée d’examiner les propositions a écarté l’hypothèse du maintien en l’état de la Constitution, estimant qu’elle était "issue de circonstances exceptionnelles et n’était pas le fruit d’une réflexion concertée de l’ensemble de la société, mais émanait plutôt du camp des vainqueurs".
Elle n’a pas non plus jugé pertinent de modifier uniquement les articles précisant que le nombre maximal de mandats du chef de l’État ne pouvait faire l’objet d’une révision (art. 185) ou que le président n’était rééligible qu’une fois (art. 57). Ses membres soulignant que d’autres dispositions devraient être révisées. Dans leur viseur, certaines conditions posées à l’éligibilité du chef de l’État (art. 58) : être de nationalité congolaise d’origine, avoir entre 40 et 70 ans (âge actuel de Sassou Nguesso), attester d’une expérience professionnelle de quinze ans au moins…
Des restrictions discriminatoires selon eux. Ils ont par ailleurs déploré "l’absence de dispositions sur la protection de l’environnement". Conclusion : "La commission recommande l’élaboration d’une nouvelle Constitution et, donc, un changement de République." Position qui attend désormais d’être soumise aux bureaux politiques respectifs des différents partis de la majorité.
Ces recommandations font bondir d’indignation Clément Mierassa, président du Parti social-démocrate congolais (PSDC) et coordonnateur du Mouvement citoyen pour le respect de l’ordre constitutionnel : "Le chef de l’État n’a pas intérêt à plonger le pays dans une situation où il devra défendre des intérêts personnels. Toutes les raisons évoquées par le rapport de la commission des partis de la majorité sont légères… On ne peut pas défendre des thèses qui vont à l’encontre de la continuité de l’État !"
Si, s’agissant de continuité, Clément Mierassa n’est pas de ceux qui adhèrent à la tradition selon laquelle, chez les Bantous, les chefs meurent au pouvoir, il n’ignore pas que les principaux obstacles qui se dressent devant l’opposition sont les ambitions divergentes de ses leaders et leur manque d’implantation nationale. Pour qu’il y ait alternance en 2016, encore faut-il qu’elle soit crédible.
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