Attentat de Ouagadougou : « Nous avons eu la vie sauve grâce à un container »

Dans la nuit du dimanche 13 au lundi 14 août, un commando a visé le café-restaurant Aziz Istanbul, très fréquenté, à Ouagadougou, faisant 18 morts. Séraphin Effon, est l’un des employés du café visé.

Le café-restaurant Aziz Istanbul, dans lequel travaillait Séraphin Effon, a été attaqué dimanche 13 août au soir. © Alain Didier CompaorÃ’/AP/SIPA

Le café-restaurant Aziz Istanbul, dans lequel travaillait Séraphin Effon, a été attaqué dimanche 13 août au soir. © Alain Didier CompaorÃ’/AP/SIPA

Publié le 17 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Séraphin Effon, 34 ans, est cuisinier. Il était dans la cuisine du café-restaurant Aziz Istanbul lorsque les assaillants ont ouvert le feu sur les clients, attablés à la terrasse dimanche 13 août. Le jeune Béninois, tout juste débarqué dans la capitale burkinabè, raconte à Jeune Afrique comment lui et trois autres employés ont survécu à ce drame, grâce à un container.

Jeune Afrique : Comment avez-vous vécu l’attaque du café Aziz Istanbul ?

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Séraphin Effon : On était dans le restaurant. Je ne me rappelle pas exactement de l’heure. Mais, on avait beaucoup de clientèle, donc beaucoup de commandes aussi. Nous étions en train de travailler, quand brusquement j’ai vu un serveur jeter son plateau à terre. Il a commencé à courir et est sorti de la cuisine. Quelques instant après, j’ai entendu des tirs crépiter.

Qu’avez fait alors ?

Étant nouveau dans la ville, je ne savais pas où me replier. J’ai repéré un container à côté du café. Avant mon entrée, une femme qui y était déjà, tenait fermement la porte close. Je lui ai demandé de m’ouvrir, de me laisser entrer, ce qu’elle a fait. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans le container à ses côtés.

Nous avons été rejoints dans le container par deux de mes collègues

Comme nous ne pouvions pas refermer la porte, nous la tenions tous les deux. Nous avons été rejoints par deux de mes collègues, qui fuyaient également les balles des terroristes. Nous y sommes restés une bonne partie de la nuit. C’était terrible. À chaque tir, nous voyions des étincelles sur le container. Il nous est arrivé de nous déplacer

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Que s’est-il passé ensuite?

Les tirs venaient de partout, en haut, à côté et en bas du container. Entre-temps, un des terroristes s’est approché, et a poussé un cri dans une langue que je ne comprenais pas, comme s’il célébrait une victoire. J’ai eu la peur de ma vie. Nous sommes restés là jusqu’à trois heures du matin.

Venez nous sauver, nous sommes assis dans le container !

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Il est arrivé un moment où j’ai aperçu les gendarmes. J’ai demandé aux autres occupants du container de crier avec moi pour les alerter, afin qu’ils viennent nous sauver. Ils ont refusé, de peur que les terroristes nos repèrent et nous achèvent. Lorsque les gendarmes sont revenus dans la zone où nous étions, la porte du container s’est ouverte et j’ai saisi l’occasion. J’ai crié : « Venez nous sauver, nous sommes assis dans le container ! » Ils nous ont demandé qui nous étions et ont vérifié qu’il n’y avait pas de terroriste avec nous, avant de nous faire sortir un à un.

Après nous avoir fouillés, ils nous ont escortés à travers la cuisine et la terrasse avant de nous embarquer dans un pick up qui nous a conduit à la gendarmerie, où nous avons été auditionnés. Après cela, on nous a conduit à l’hôpital, où l’on a eu des entretiens avec des psychologues et des médecins. C’est après tout cela, vers 5h30 du matin, que chacun a pu regagner son domicile.

Comment vous sentez-vous après cette nuit dramatique?

C’est traumatisant.  Nous avons eu la vie sauve grâce à un container… Les séquelles demeurent, je suis choqué. Par exemple, quand j’entends un peu de bruit, je sursaute comme si je revivais le cauchemar des coups de feu. Franchement, j’ai peur de travailler à nouveau dans un restaurant.

Depuis lors, je n’ai plus refermé l’œil

La nuit suivant le drame, je me suis réveillé en sanglots à trois heures du matin, depuis lors, je n’ai plus refermé l’œil. Car dans ma tête, cette nuit-là,  je devais mourir. Je n’en reviens toujours pas d’être sorti vivant de tout cela.

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