Assane Dioma Ndiaye : « La CREI viole les principes élémentaires des droits de la défense »
Le président de la Ligue sénégalaise des droits humains voit dans le procès du fils de l’ancien président un « règlement de comptes » orchestré par le régime en place.
Jeune afrique : Le procès de Karim Wade répond-il aux objectifs de transparence et de lutte contre la corruption affichés par le régime de Macky Sall ?
Assane Dioma Ndiaye : Ce procès s’annonce décevant par rapport à nos attentes légitimes. Macky Sall disait vouloir promouvoir une culture de la transparence et de la "reddition des comptes", que la traque des biens mal acquis était censée matérialiser. Mais, première surprise, alors qu’on espérait une action générale à l’égard des principales personnalités comptables de la gestion des années Wade, l’application de la loi sur l’enrichissement illicite s’est concentrée essentiellement sur la personne de Karim Wade. Dans l’imaginaire collectif, cette démarche parcellaire et orientée a donc fini par être interprétée comme un règlement de comptes orchestré par les vainqueurs.
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La Ligue sénégalaise des droits humains n’a pas ménagé ses critiques envers la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Pourquoi ?
Plusieurs principes sont choquants dans son fonctionnement. Par exemple, le fait que le délit soit constitué après une simple mise en demeure si le procureur spécial estime que les réponses apportées ne sont pas satisfaisantes. Du point de vue de la présomption d’innocence, c’est une hérésie.
Pourquoi organiser un procès si le délit est constitué dès le départ ? Autre principe choquant, le renversement de la charge de la preuve : devant la CREI, il appartient à la personne poursuivie de prouver son innocence. Enfin, cette juridiction ne prévoit pas de droit de recours, si ce n’est en faveur du procureur spécial. On aboutit ainsi à la rupture de l’égalité des armes entre les parties. La CREI viole les principes élémentaires des droits de la défense ; elle est incompatible avec les conventions internationales ratifiées par le Sénégal.
Dans son dernier rapport annuel, l’Inspection générale d’État (IGE) épingle des pratiques financières douteuses sous la gouvernance Wade. Ne vaudrait-il pas mieux s’appuyer sur de tels rapports lorsque la justice est saisie de ce type d’affaires ?
Le Sénégal dispose de corps de contrôle très performants, comme l’IGE ou la Cour des comptes. Si des manquements sont constatés dans la gestion des deniers publics, que le dossier soit transmis au procureur pour poursuivre les faits selon les règles de la justice de droit commun, dans le respect des droits de la défense. Il y a tellement de rapports édifiants qui dorment dans les tiroirs qu’on en vient parfois à s’interroger sur la volonté politique de s’attaquer réellement à cette prévarication…
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Propos recueillis par Mehdi Ba, à Dakar
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