Sénégal : recours devant la Cour suprême pour l’annulation d’une concession rizicole marocaine

Un collectif d’habitants de la commune de Dodel, dans la région d’éleveurs du Fouta, au nord du Sénégal, s’oppose à la concession rizicole que l’État du Sénégal a octroyée au groupe marocain Sefrioui. 23 villages redoutent leur déplacement et la réduction des espaces de pâturages.

Une concession de 10 000 hectares a été octroyée au groupe Sefrioui et à sa filiale sénégalaise, Afri Partners, par la commune de Dodel. © Google Maps

Une concession de 10 000 hectares a été octroyée au groupe Sefrioui et à sa filiale sénégalaise, Afri Partners, par la commune de Dodel. © Google Maps

Publié le 21 août 2017 Lecture : 3 minutes.

C’est cette semaine qu’un collectif de 2 000 habitants de la commune de Dodel portera ses récriminations à l’encontre d’un vaste projet rizicole devant la Cour suprême du Sénégal. Leur avocat, Assane Dioma N’diaye, par ailleurs président de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme, déposera un recours en annulation devant la section administrative de la Cour suprême, a indiqué ce dernier à Jeune Afrique.

En cause, selon lui, la délibération rendue par la commune de Dodel dans le département de Podor, au nord du Sénégal, le 24 mars 2017, octroyant une concession de 10 000 hectares au groupe Sefrioui et à sa filiale sénégalaise, Afri Partners, conformément à une convention conclue entre l’État du Sénégal et le groupe marocain en janvier.

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Un objectif politique national

Celui-ci prévoit qu’Afri Partners développera des champs de riziculture sur les communes de Dodel et Démeth pendant 40 ans via un investissement de 75 milliards de francs Cfa (115 millions d’euros) avec l’objectif de produire à terme 115 000 tonnes de riz. Si cet objectif est atteint, pareille production représenterait 12,5% des 917 000 tonnes de riz non décortiqué que le Sénégal a produites en 2015. Le Sénégal a fait de la réduction de sa dépendance aux riz brisés asiatiques, dont il importe 900 000 tonnes chaque année, un objectif politique.

Le Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar), qui compte parmi les piliers du Plan Sénégal Émergent du président Macky Sall, prévoit une politique soutenue d’aménagement des périmètres rizicoles, d’appui aux riziculteurs en intrants (fertilisants, semences, etc.) et en matériel agricole, d’effacement de dettes…

Mais dans le cas de l’investissement porté par Afri Partners, les habitants de 23 villages de la commune de Dodel, qui en compte 36 au total, redoutent leur expulsion et la réduction des espaces de pâturage de leurs troupeaux de vaches dont l’élevage est très répandu dans la zone. « Nous trouvons inacceptable que le projet octroie 10 000 hectares à la société et que seuls 2 000 hectares soient réservés aux habitants locaux. C’est inacceptable. A fortiori les études d’impact n’ont pas été correctement établies », explique Mamadou Sakho, un des habitants qui a pris la tête d’un collectif en opposition à ce projet.

Les communes ne peuvent délibérer sur des concessions de cette taille

Le recours en annulation portera sur l’incapacité des communes à délibérer sur des concessions foncières de cette taille. « Elles ne peuvent se prononcer que sur des attributions foncières demandées par des autochtones », explique Assane Dioma N’diaye, l’avocat du collectif.

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De son côté, le groupe Sefrioui expliquait dans la presse locale lors de la signature de l’accord cadre avec l’État que 1 500 emplois doivent être créés dans la zone et que l’aménagement des parcelles villageoises sur une superficie de 2 500 hectares a été inclus dans le projet. « Nous n’avons connaissance d’aucun recours. Le projet poursuit son déploiement », a fait savoir le groupe Sefrioui interrogé par Jeune Afrique. Sollicitée, l’Apix, l’agence sénégalaise de promotion des investissements et grands travaux, n’a pas répondu à nos sollicitations.

Début juillet, des manifestations contre l’exploitation rizicole ont réuni plusieurs centaines de personnes, selon la presse locale sénégalaise. « Depuis, plusieurs accrochages ont eu lieu entre des salariés de la société, en repérage sur le site, et des habitants », explique un militant associatif basé à Dakar et originaire du Fouta, où l’investissement marocain est envisagé. Ce n’est pas la première fois que pareil investissement suscite la grogne populaire : en 2012, une concession similaire accordée à Senhuile, un groupement italien et sénégalais, avait suscité de vives oppositions localement, entraînant le décès de deux personnes lors d’une manifestation.

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