Cheikh Omar Diallo : « L’École africaine d’art oratoire a une ambition forte pour la sous-région d’abord et l’Afrique ensuite »
Cheikh Omar Diallo a lancé au mois de juillet l’École africaine d’art oratoire (EAO), une structure qui a pour vocation de former les décideurs africains à la prise de parole en public. Cet ancien conseiller de l’ex-président Abdoualye Wade et ex-collaborateur de Jeune Afrique a répondu à nos questions.
Fondée et dirigée par le Dr Cheikh Diallo (ancien collaborateur de Jeune Afrique), l’École africaine d’art oratoire (EAO) a ouvert ses portes en juillet dernier à Dakar. À vocation panafricaine et spécialisée dans l’art de la prise de parole en public, elle propose des ateliers et séminaires exclusivement destinés aux leaders, managers, et chefs d’entreprises publiques et privées africains.
L’EAO propose ses formations intensives, spécialisations et formations sur mesure aussi bien au Sénégal que dans la zone francophone, en partenariat avec le Groupe Institut Africain de Management (IAM) dirigé par Moustapha Guirassy, ancien ministre de la Communication du Sénégal sous la présidence d’Abdoulaye Wade.
Jeune Afrique : Pourquoi une école d’art oratoire ?
Cheikh Diallo : Je suis parti d’un constat dont j’ai tiré plusieurs enseignements majeurs. Combien de marchés publics ou de contrats en or ont été perdus par des managers africains à cause d’une mauvaise technique de présentation de projets ? Combien d’hommes politiques ont lamentablement échoué alors qu’ils étaient porteurs d’ambitieux programmes ? Combien de destins brisés dans une entreprise publique ou privée à cause d’une mauvaise prise de parole en public ou parce que l’orateur n’imprime pas assez dans l’opinion ?
Nous sommes généralement de beaux parleurs mais pas de bons orateurs
Regardons autour de nous en Afrique francophone. Nous sommes généralement de beaux parleurs mais pas de bons orateurs. Le beau-parleur enveloppe sa pensée sans forcément la dire. À ses yeux, dire, c’est faire. Tant que ce speech est circonscrit dans la sphère privée, ça passe. Mais dans la sphère publique, ça devient sérieux. Le discours d’un bon orateur doit avoir un impact direct et un effet immédiat sur l’auditoire. Parce qu’un projet mal expliqué, est un projet mort.
À ce niveau, l’objectif de performance est de réussir sa prise de parole en public, de convaincre son auditoire et d’emporter définitivement l’adhésion. Et là, ça devient de l’art. Dans notre monde de vitesse digitale, d’exigence et de compétitivité, la prise de parole en public a fini de se professionnaliser avec sa boîte à outils conceptuelle, ses codes et des techniques. D’où la création de cette école, la première du genre en Afrique francophone.
Quels profils ciblez-vous ?
Bien qu’installée à Dakar, l’EAO a une ambition forte pour la sous-région d’abord et l’Afrique ensuite. Les techniques et outils de la prise de parole en public que nous essayons de transmettre sont orientés vers les décideurs africains, les porteurs de projets et d’ambitions. Sur nos listes d’inscription, vous trouverez des banquiers, des cadres de la téléphonie mobile, des notaires, des politiques, des députés, des chefs d’entreprise, etc. Les étudiants ne sont pas admis. Sauf à titre dérogatoire ou exceptionnel.
À quelles situations de la vie d’entreprise vos enseignements s’appliquent-ils ?
Dès que vous entrez sur scène, votre parole ne vous appartient plus, elle est destinée au grand public. C’est pourquoi nos centres d’intérêt pédagogique vont du simple pitch lors d’une réunion d’entreprise au discours prononcé dans un meeting politique, en passant par le speech au cours une télé-conférence entre opérateurs économiques, par exemple.
Quels sont vos ateliers-phares ?
L’EAO est organisée autour de cinq ateliers : Technique vocales (Parole), Pratiques oratoires (Discours), Training & Media-Training (Image), Techniques de présentation des projets (Présentation) et enfin Leadership & Développement personnel. Chaque atelier est dirigé par un grand-maître et secondé par un maître. Nous avons une dizaine de formateurs et praticiens expérimentés : des professeurs de théâtre, d’art oratoire, des spécialistes de l’amélioration de la voix, des rédacteurs de discours, des spécialistes de rhétorique, de la scène et de la télé, entre autres.
Au sortir de vos sessions, quels gains vos clients pourront-ils tirer des prestations de l’EAO ?
Nous n’avons pas de clients. Nos auditeurs portent le nom d’orateurs et d’oratrices. À l’École africaine d’art oratoire, aucun diplôme n’est exigé. Avant d’y entrer, vous devez tout de même remplir un formulaire et répondre à plusieurs questions dont la principale est la suivante : quelle qualité souhaitez-vous développer ? Ceci précisé, je vous invite à nous rejoindre en qualité d’auditeur libre et à l’issue de votre session de formation, vous nous en direz davantage. C’est la meilleure réponse…
Du fait de sa culture orale, l’Ouest-Africain, et le Sénégalais en particulier, développe un goût prononcé pour la parole. N’est-il donc pas superflu de vouloir lui enseigner l’art de la parole ?
Dans le registre des grandes peurs humaines, de nos jours, après la mort et l’attaque terroriste, la peur de prendre la parole en public vient en troisième position. Vous parlez de goût prononcé pour la parole des Ouest-Africains, mais là, vous êtes limité au cadre familial ou amical. Ajoutez-y cent personnes et tout change. S’il n’est pas suffisamment bien préparé, notre Ouest-Africain sera la risée du groupe. Même s’il maîtrise son savoir-faire, il lui faut posséder un faire-savoir. « Un discours improvisé a été écrit au moins trois fois ». Pour devenir un tribun d’exception, Winston Churchill s’est exercé mille fois à la prise de parole en public, un peu comme Tony Blair, Barack Obama ou Emmanuel Macron grâce à ses cours de théâtre.
Les uns ont une grandeur innée comme Mandela, Sankara ou Lumumba, les autres sont obligés de l’acquérir
Vous savez, les uns ont une grandeur innée comme Mandela, Sankara ou Lumumba, les autres sont obligés de l’acquérir. Notre mission est de contribuer, à partir des outils didactiques et pédagogiques, des instruments d’amélioration de la voix, des techniques de rédaction et de présentation du discours, au renforcement des capacités des ressources humaines en Afrique.
Quelle est la nature du partenariat qui vous lie à l’Institut africain de management (IAM) ?
Un contrat d’association. IAM, c’est 20 ans d’expérience, première université privée du Sénégal et même au-delà. Des milliers d’étudiants et d’auditeurs, plus d’une vingtaine de nationalités pour des enseignements de qualité qui respectent tous les standards internationaux de l’ingénierie pédagogique. Un seul mot convient à ce partenaire : stratégique !
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