Attentats en Espagne : au Maroc, les proches de suspects n’ont « rien vu venir »

Dans la bourgade sans histoire de Melouiya au Maroc, le père de Driss et Moussa Oukabir se dit « effondré » depuis l’annonce de l’implication présumée de ses fils dans les attentats en Espagne. « Ils n’avaient montré aucun signe de radicalisation », dit-il à l’AFP.

Devant la maison de la famille Oukabir à Ripoll, en Espagne, le 18 août 2017. © AFP

Devant la maison de la famille Oukabir à Ripoll, en Espagne, le 18 août 2017. © AFP

Publié le 19 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Moussa, 17 ans, a été tué et son frère Driss, 27 ans, a été arrêté après les attaques menées à Barcelone et Cambrils qui ont fait 14 morts et des dizaines de blessés et ont été revendiquées par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Initialement prévue pour accueillir une cérémonie de mariage, une tente traditionnelle plantée dans un paysage rocailleux, à quelques mètres de la maison rudimentaire en pierre et en terre des Oukabir, voit finalement défiler les visiteurs venus présenter leurs condoléances.

« La joie a laissé place à la tristesse et à la douleur », souffle Abderrahim, la quarantaine, un oncle des frères Oukabir, aux côtés de leur père Saïd, qui a récemment divorcé de leur mère.

« Nous sommes sous le choc, complètement effondrés », enchaîne, les larmes aux yeux, Saïd Oukabir, entouré de membres de la famille, de voisins et d’amis venus.

« Ils n’avaient montré aucun signe de radicalisation. Ils vivaient comme les jeunes de leur âge, s’habillaient comme eux », jure le père, carrure d’athlète et casquette vissée sur la tête.

« Moussa était un garçon gentil qui ne faisait de mal à personne. Il suivait ses cours normalement et devait passer son bac l’an prochain. Ces derniers temps, il a commencé à faire sa prière (…) mais ça s’arrêtait là. Il était jeune, pas encore mûr, et il s’est sans doute fait manipuler », se lamente-t-il.

Selon lui, la police espagnole a appelé vendredi son ex-femme « qui se trouve en Espagne, pour lui dire que Moussa était mort ».

‘Ni radicalisme, ni terrorisme’

Moussa a été tué par la police dans la nuit de jeudi à vendredi avec d’autres assaillants, après que leur véhicule a foncé sur la promenade de Cambrils avant de percuter une voiture de police.

Son frère Driss, 27 ans, a lui été arrêté jeudi avec trois autres personnes à Ripoll, au nord de Barcelone.

Parmi les autres suspects, arrêtés ou tués, certains sont originaires de villages voisins de Melouiya dans le Moyen Atlas, dans le centre du Maroc, affirme sous couvert de l’anonymat un membre de la famille. « Ils étaient tous jeunes et se sont rencontrés à Ripoll, personne n’a rien vu venir ».

Dans une pièce voisine, des femmes du village, emmitouflées dans des Tamlheft, tenue berbère traditionnelle, pleurent la mort de Moussa.

« Nous sommes des gens simples, pacifistes. Nous ne connaissons ni le radicalisme, ni le terrorisme », murmure un habitant de cette région sinistrée et majoritairement berbérophone nichée dans le centre du royaume.

L’économie de cette région repose essentiellement sur l’élevage, l’agriculture ainsi que le transfert d’argent des Marocains qui en sont originaires mais établis en Europe, principalement en France, en Espagne et en Italie.

Saïd Oukabir, père également de trois filles, est lui parti dans les années 1990 tenter sa chance en Catalogne.

Son fils Driss, qui a passé son enfance à Aghbala, une commune rurale à huit km de Melouiya, avait alors dix ans.

Moussa est né à Ripoll. La famille vivait depuis entre Melouiya, Aghbala et son pays d’accueil.

‘Foot et drague’

Les proches des frères Oukabir sont eux aussi sous le choc.

« Moussa était doux, toujours souriant. Il ne fumait pas, ne buvait pas », affirme son oncle.

Un de ses cousins affirme qu’il était « studieux, n’a jamais redoublé une classe (…) il aimait jouer au foot, s’amuser, draguer des filles. Il venait ici quasiment une fois par an ici pour passer ses vacances d’été. Cette année, il était censé venir le 15 août ».

Mais, selon ce même cousin, « ces derniers mois, il a commencé à s’intéresser à la religion. Il fréquentait une mosquée à Ripoll. C’est peut-être là qu’il a subi un lavage de cerveau ».

Driss, lui, a « quitté tôt l’école pour travailler honnêtement et gagner sa vie », raconte le père, qui a été convoqué samedi par la police marocaine à Khenifra, une ville du Moyen Atlas.

« Aujourd’hui il est entre les mains de Dieu et de la police », dit Saïd Oukabir. « Il est sous le coup d’une enquête. J’espère qu’ils diront qu’il est innocent. Je n’ai pas envie de perdre mes deux fils ».

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