Sénégal : Wade, le Fesman et l’art de la fraude

Dans son rapport annuel, l’Inspection générale d’État épingle sévèrement les malversations des années Wade et notamment le Festival mondial des arts nègres (Fesman), théâtre de tous les abus.

Deux rapports mettent en cause Abdoulaye Wade et sa fille Sindiély. © Seyllou/AFP

Deux rapports mettent en cause Abdoulaye Wade et sa fille Sindiély. © Seyllou/AFP

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Publié le 6 août 2014 Lecture : 2 minutes.

Attention, un festival peut en cacher un autre. En coulisses de la troisième édition du Festival mondial des arts nègres (Fesman), qui s’est tenu à Dakar en décembre 2010, les "pratiques inédites et malsaines" auraient prospéré. C’est en tout cas la conclusion de l’Inspection générale d’État (IGE), qui vient de remettre au président sénégalais, Macky Sall, son dernier "rapport public sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes".

Dans un précédent document, ce service, qui est notamment chargé de la prévention et de la lutte contre le gaspillage, les abus, la fraude et la corruption, avait déjà pointé l’ampleur des malversations relatives au Fesman. Il épinglait la fille de l’ancien président Abdoulaye Wade, Sindiély, qui fut la déléguée générale adjointe de la manifestation.

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Dans ce dernier rapport, l’IGE offre un tour d’horizon des "nombreuses irrégularités" constatées dans la gestion financière du Fesman, pointant cette fois un doigt accusateur sur l’ancien chef de l’État. Au nombre des manquements dénoncés, l’absence de documents de planification et d’un rapport d’activité au terme du festival, les violations de la loi en matière d’exécution financière et comptable ou de recrutement et de rémunération du personnel, une "violation flagrante" du code des marchés publics, des "irrégularités fiscales" ou encore des surfacturations estimées à plus de 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros)…

Pour l’IGE, cette opacité généralisée "fait naître de fortes présomptions de fraude, de corruption et de blanchiment d’argent". C’est ainsi qu’un "simple particulier" a été constitué comptable public, chargé de manipuler un prêt de 15 milliards de F CFA, ou que "de nombreux paiements ont été effectués par remise directe d’espèces, pour des montants particulièrement élevés".

Coût initial multiplié par seize

Au coeur du système, à en croire le rapport, l’ex-président Wade. Les principaux responsables impliqués dans ces irrégularités financières et comptables affirment en effet avoir agi sur ses instructions. Un président qui s’est constitué "ordonnateur et exécutant de dépenses, même étrangères à cette manifestation, pour un montant total de 6,4 milliards de F CFA" et qui a reçu personnellement une contribution de 1 milliard de F CFA, versée par un "pays ami", et dont "aucune trace" de l’encaissement n’a été retrouvée dans les comptes du Fesman.

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Abdoulaye Wade aurait par ailleurs profité de la réalisation de sites d’hébergement des festivaliers pour acquérir "à titre personnel, à partir de ressources publiques", un terrain d’une superficie de 5 435 m2 pour un montant d’un peu plus de 1 milliard de F CFA…

Outre le Fesman, dont le coût initialement prévu a été multiplié par seize à l’arrivée (de 5 milliards à 80 milliards de F CFA), l’IGE pointe plusieurs cas représentatifs des dysfonctionnements constatés dans la gouvernance économique et financière de l’ère Wade : construction du Monument de la renaissance africaine, opération foncière douteuse à Bambilor, Maison du Sénégal à New York, Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci), etc.

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À l’heure où s’ouvre le procès de Karim Wade, fils de l’ancien président, devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), le clan Wade se serait bien passé de ces révélations peu flatteuses sur sa gestion des deniers publics.

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