Les leçons d’Ebola

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 5 août 2014 Lecture : 2 minutes.

L’action se passe en 1995 dans une petite ville de Californie confrontée à un virus mortel : Motaba. À l’origine de sa propagation éclair, un singe importé du Zaïre. La panique provoquée par l’épidémie nécessite l’intervention de l’armée.

Tel est le scénario d’un film catastrophe de Wolfgang Petersen dans lequel Dustin Hoffman donne la réplique à la sublime Rene Russo et à l’excellent Morgan Freeman. Près de vingt ans plus tard, la réalité dépasse la fiction.

la suite après cette publicité

En Afrique de l’Ouest cette fois, principalement dans trois pays : Guinée, Sierra Leone et Liberia. Nom du virus tueur : Ebola. Transmis à l’origine par un animal infecté (chauve-souris, singe, antilope), il se propage ensuite dans les populations par contact direct avec le sang, les liquides organiques ou les tissus. Il n’existe aucun vaccin ni traitement, d’où un taux de mortalité élevé : entre 20 % et 90 %.

Les premiers cas recensés remontent à février. On a dénombré à ce jour 1 300 personnes infectées, dont plus de 700 sont décédées. Le 31 juillet, la Sierra Leone a décrété l’état d’urgence sanitaire. Le lendemain, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) annonce, en Guinée, où sont réunis les chefs d’État concernés, un plan de lutte de 100 millions de dollars (75 millions d’euros).

Au scénario hollywoodien originel succède donc la dure réalité du continent. Ici, pas de matériel high-tech, ni d’infrastructures dernier cri, ni de nuées de personnel soignant, ni, a fortiori, de bataillons d’épidémiologistes en tenue de cosmonaute ou d’hélicoptères de l’armée tournoyant dans le ciel.

Ici, nous sommes en Afrique, où l’on a déjà du mal à trouver un hôpital digne de ce nom, voire des médicaments pour soigner des pathologies bénignes. Sans parler de la réactivité des autorités semblable à celle d’une tortue luth, comme souvent, et de la sous-estimation de la menace, comme toujours…

la suite après cette publicité

Les dizaines d’agents de santé, médecins ou aides-soignants n’ont pour seules armes que leur courage et leur abnégation pour faire face au virus, souvent au péril de leur vie.

Mais il y a plus grave : la défiance des populations vis-à-vis de leurs dirigeants ou des ONG occidentales. Quand le gouvernement tente d’expliquer à des villageois comment reconnaître les symptômes et éviter la contamination, il se heurte à l’incrédulité générale.

la suite après cette publicité

Suspicieuses, les populations imaginent qu’il s’agit là d’une manière pernicieuse d’obtenir de l’aide internationale, de vendre le sang des contaminés ou, pis, de leur inoculer le virus. C’est dire en quelle estime elles tiennent les représentants de l’État. Les précautions sanitaires les plus élémentaires ne sont donc pas observées, ce qui rend plus complexe la lutte contre ce mystérieux virus.

"Pourquoi les citoyens croiraient-ils leur gouvernement, qui leur ment depuis des décennies sur tant d’autres sujets, quand il leur dit qu’ils mourront s’ils ne se rendent pas immédiatement à l’hôpital le plus proche ?" résume un médecin.

Le fossé entre les populations et les responsables politiques n’est pas un phénomène nouveau. Creusé par la corruption, les promesses non tenues, la mauvaise gouvernance et le népotisme, il se traduit, par exemple, par des taux d’abstention effarants lors des consultations électorales. Mais aujourd’hui, il tue.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Sur les marchés, singes et antilopes sont toujours recherchés par les amateurs. © CHRISTOPHE LEPETIT/ ONLYWORLD / AFP

Ebola : viande de brousse, le goût du risque

Contenus partenaires