Combat au finish

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  • Béchir Ben Yahmed

    Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.

Publié le 7 août 2014 Lecture : 5 minutes.

La guerre qui fait rage à Gaza n’aura donc pas été "une guerre de vingt jours". Elle ne s’est pas arrêtée le 27 juillet, comme on pouvait l’espérer, mais a, au contraire, redoublé de violence.

Elle a même pris la forme, depuis une semaine – nonobstant les trêves -, d’une lutte sans merci, où les règles de la guerre et les conventions internationales ne sont plus respectées.

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Cet aspect, celui d’un combat au finish, risque de s’aggraver encore ; si les efforts pour arrêter le conflit continuent de faire chou blanc, comme cela me paraît probable, la guerre entrera, vendredi 8 août, dans son deuxième mois.

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Le nombre des Palestiniens tués pourrait dépasser 2 000, celui des blessés, 15 000, et celui des déplacés, 400 000, en grande majorité des non-combattants, hommes, femmes et enfants : le quart des habitants de Gaza aura été touché, plus ou moins gravement.

C’est considérable.

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De son côté, l’armée israélienne, Tsahal, qui aura rappelé près de 100 000 réservistes et engagé ses meilleures unités, pourrait voir ses pertes humaines approcher des 100 morts, chiffre très élevé pour une armée moderne.

Tout en prenant leurs distances, les États-Unis ont continué à l’approvisionner en armes et en munitions.

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Cette nouvelle guerre de Gaza se distingue décidément de celles qui l’ont précédée par les moyens et les effectifs utilisés. Et par les objectifs que chaque camp s’est assignés.

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Annonçant la couleur, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, après avoir rappelé une nouvelle fournée de réservistes, a prévenu ses concitoyens : "La guerre sera longue et difficile. Mais elle est nécessaire et en vaut la peine. Les Israéliens doivent en accepter les coûts humain et financier."

On peut conclure de ces propos que les buts de guerre d’Israël ont changé ou bien qu’on peut maintenant, sinon les révéler, du moins les laisser deviner. À mon avis, l’objectif israélien est, désormais, une victoire militaire sur le Hamas par KO.

Il est demandé à Tsahal de ne reculer devant aucun effort ni aucun sacrifice pour le détruire militairement et, si possible, politiquement afin que Gaza ne soit plus dirigé par l’ennemi numéro un d’Israël.

Il faut le noter : le gouvernement israélien, son Premier ministre, la droite israélienne qu’ils incarnent – et l’armée – sont décriés partout dans le monde. Mais ils bénéficient, à ce jour, du soutien déclaré et même ardent de la très grande majorité, voire de la quasi-unanimité des six millions de Juifs israéliens, ainsi que de l’adhésion de la majorité des huit millions de Juifs de la diaspora.

"La guerre de Gaza" a, en revanche, exclu de la communauté nationale israélienne, à un degré jamais atteint auparavant, le 1,7 million d’Arabes israéliens (Démographie israélienne : population totale (8 millions) ; Juifs (6 millions) ; Arabes israéliens (1,7 million) ; autres, non-Juifs (350 000). Diaspora juive (8 millions).

Dénoncés par la majorité juive comme sympathisants du Hamas, ils sont harcelés, licenciés et leur sort montre que la démocratie israélienne n’est ni ce qu’elle voulait, ni ce qu’elle prétend être…

La guerre de Gaza révèle à qui en doutait que ce pays n’est pas un mais deux.

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En ce début d’août 2014, le Hamas lutte pour sa survie en tant que mouvement politique et militaire maître, depuis 2007, du destin du 1,8 million de Palestiniens de Gaza.

Il a voulu incarner la résistance à l’occupation et prône la lutte armée pour contraindre Israël à libérer les territoires palestiniens occupés.

Il s’est dissocié du Fatah qui, lui, dirige l’Autorité palestinienne et régit le sort des 2,8 millions de Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem.

Sous l’influence déterminante de Mahmoud Abbas, président de fait du Fatah et de l’Autorité palestinienne, ces derniers ont exclu la violence de leur arsenal. Depuis la mort de Yasser Arafat, il y a bientôt dix ans, ils s’efforcent d’obtenir d’Israël par la négociation et la diplomatie qu’il cesse son occupation des Territoires qui leurs sont dévolus.

Ils n’ont pas obtenu la moindre concession et, tout au long de ce mois de juillet, ont montré de façon pathétique leur totale impuissance.

Si Netanyahou et son armée parviennent, dans les jours qui viennent, à détruire le Hamas, ce sera l’échec simultané des deux voies palestiniennes pour obtenir la fin de l’occupation israélienne de la Cisjordanie.

La puissance militaire et financière d’Israël, l’appui dont il a disposé auprès des États-Unis et de l’Europe, l’adhésion de la majorité des Juifs de la diaspora et la division des Arabes en plusieurs camps auront conjugué leurs effets pour permettre à la droite israélienne, au pouvoir depuis près de vingt ans, d’offrir à Israël une forme de victoire : contre vents et marées, contre les souhaits de l’ONU et du reste du monde, aura prévalu le "j’y suis, j’y reste".

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Le problème palestinien sera-t-il résolu pour autant ? L’extrême brutalité avec laquelle Vladimir Poutine pense avoir résolu le problème tchétchène est-elle le bon exemple à suivre ?

Peu de gens le pensent et d’ailleurs Netanyahou et ses collègues de la droite israélienne n’ont toujours pas dit comment, sans devenir un pays d’apartheid, Israël pourrait gérer les 5 millions de Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, en plus des (presque) 2 millions d’Arabes israéliens.

Et qui peut garantir qu’à la place du Hamas les Israéliens et, avec eux, le reste du monde, n’auront pas pire que lui ?

Un Mahmoud Abbas "carbonisé" ne sera-t-il pas remplacé, à court terme, par un Palestinien qui, à la manière de Mandela ou de Bourguiba, sait qu’on n’obtient rien si, pour libérer son pays, on renonce d’emblée et par principe à l’appoint de la violence ?

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Sous le titre de "maudite victoire", un Israélien, Ahron Bregman, vient de publier en anglais une histoire de l’occupation par Israël des territoires palestiniens dont il souligne qu’elle est dans sa cinquième décennie.

"Si l’Histoire prouve quelque chose, écrit-il en conclusion, c’est que les Israéliens ne libéreront pas de leur propre gré les territoires occupés. L’occupation est une tache noire sur l’image d’Israël et même sur l’histoire des Juifs : aidé par la diaspora et en particulier celle installée aux États-Unis, Israël a montré que des peuples qui ont subi dans leur chair les plus terribles humiliations peuvent se montrer cruels dès lors qu’eux-mêmes exercent le pouvoir…"

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