Ebola : à Kailahun, au coeur de la « zone contaminée » par l’épidémie
Rien ne distingue Kailahun d’autres bourgades commerçantes de Sierra Leone. Rien, sinon la dizaine de barrages à franchir pour y accéder, depuis la mise en quarantaine du cœur de la « zone contaminée » par l’épidémie d’Ebola, l’équivalent biologique d’une zone irradiée.
Depuis le placement en isolement, annoncé le 7 août, de Kailahun et de la localité voisine de Kenema, dans l’est où se concentrent la majorité des plus de 800 cas recensés dans le pays, dont 348 mortels, nul n’y entre ni n’en sort sans dérogation expresse.
Après le départ de la capitale, Freetown, à quelque 300 kilomètres, Kailahun surgit au bout de sept à dix heures, en fonction des intempéries, mais aussi de l’humeur des policiers et soldats en faction aux neuf barrages désormais dressés sur le trajet.
L’autoroute bordée de palmiers et de savane se transforme en piste boueuse traversant des marécages infestés de crocodiles, des forêts de teck et d’acajous du Sénégal où nichent des oiseaux.
Aux barrages, l’accueil est moins pittoresque. Les policiers bombardent les passagers de questions, exigeant les documents d’accréditation avant de les laisser continuer. Une fois sur trois, il faut se plier à un lavage des mains au chlore et à une prise de température.
"Nous avons besoin d’un vaccin"
"Nous sommes tristes de voir tant de nos frères et sœurs mourir", confie Ahamadou, un policier posté à la limite entre les districts de Kenema et Kailahun. "Nous avons besoin d’un vaccin. C’est la seule chose qui arrêtera cela", veut-il croire.
Mais dès l’entrée à Kailahun, où chacun connaît quelqu’un qui est mort d’Ebola, impossible d’échapper à la terrible réalité de l’épidémie. "On ne peut pas faire mumuse ici : sinon le virus vous tue. Une erreur, un faux mouvement, et vous êtes mort", prévient un responsable humanitaire.
Pourtant, les enfants jouent bruyamment au milieu des chants des oiseaux, faisant rouler des pneus usés sur la boue rougeâtre. A côté, des adultes changent de l’argent ou négocient de l’essence au marché noir, au milieu des rires.
Bien que la maladie se transmette par les liquides corporels, les habitants se pressent sur les places de marché et la ville résonne des chants de prières nocturnes pour conjurer Ebola.
Une discipline digne d’un camp militaire
Mais dans le centre de traitement de Médecins sans frontières (MSF), où l’insouciance s’efface devant la mort et la souffrance, règnent une discipline et une rigueur dignes d’un camp militaire. Chacun suit les instructions à la lettre, chaque patient ou soignant étant classé par lieu et par habillement en fonction de son niveau de risque.
Quelque 15 000 litres d’eau et 2 000 litres de chlore sont consommés chaque jour pour le lavage des mains et des vêtements. Une énorme fosse sert à l’incinération de tous les effets présentant un danger de contamination. Les cas confirmés d’Ebola sont nourris par un complexe circuit garantissant que les non contaminés ne soient jamais exposés.
L’épidémie laisse peu de place au sentiment entre personnel soignant et patients: les malades quittent le centre avec un certificat de guérison, ou dans des sacs mortuaires désinfectés.
"Parfois, ils meurent tous. Parfois, seuls les parents guérissent. Et le plus souvent, tous les parents décèdent et seul un enfant survit", raconte Géraldine Bégué, 31 ans, une infirmière anesthésiste luxembourgeoise.
Ebola, un "sale virus"
La plupart de ses patients souffrent de diarrhées aiguës, de vomissements et de douleurs atroces, atténués par la morphine et le tramadol. "Ebola est vraiment un sale virus", soupire cette jeune femme, qui a quitté son travail en Suisse pour venir dans ce centre.
Toute l’équipe, composée de volontaires expatriés, de spécialistes de la prophylaxie, de personnel de soutien et d’infirmières locales, travaille d’arrache-pied, le plus souvent pour alléger les souffrances des malades sans parvenir à les sauver. Sur près de 200 cas confirmés, 52 ont néanmoins survécu.
Placée dans la zone à haut risque, Sia Lavalley, 30 ans, a peu de chance de faire partie de ceux-là. Son mari et son fils de sept ans sont déjà morts dans le centre. "J’ai mal aux articulations, qu’ils sont en train de soigner", confie-t-elle à l’AFP de derrière deux barrières de plastique qui constituent une zone protectrice d’environ un mètre. "Mais ce qui fait le plus mal", assure-t-elle, "c’est de voir les autres enfants gambader, malades d’Ebola".
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(Avec AFP)
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