Sénégal : dans la commune de Saint-Louis, la langue de Barbarie est de nouveau menacée par la montée des eaux
210 familles sont actuellement sinistrées dans la langue de Barbarie, à Saint-Louis. L’État a promis une série de mesures afin d’empêcher la montée des eaux, mais les inquiétudes sont toujours vives.
« La mer est de plus en plus forte. Elle avance chaque semaine, chaque jour, chaque minute », s’indigne Ama Teuwe, habitant de Ndar-Toute, village situé dans la langue de Barbarie à Saint-Louis. 210 familles sont sinistrées après une nouvelle montée des eaux. 73 ont été relogées à l’école Dodds du quartier de Ndar-Toute.
Les quartiers de Santhiaba, Guet-Ndar et Goxu Mbacc ont été les plus touchés. À cause de la forte houle, le mur de protection construit à l’époque coloniale s’est effondré et la mer s’est introduite dans plusieurs maisons, les détruisant.
Selon Cheikh Saad Bou Seye, journaliste et administrateur de Ndarinfos.com, la houle a commencé avant la campagne des législatives, fin juillet, et il n’y a pas eu de réaction de la part des autorités. « La situation s’est accéléré depuis près d’une semaine, mais en réalité cette situation dure depuis plus de deux mois », dit-il.
D’après Ama Teuwe, si rien est fait de la part des autorités, des houles de 5 mètres vont engloutir toutes les maisons. La colère de la population se fait ressentir. Dimanche, des habitants ont bloqué l’entrée de la langue de Barbarie en plaçant une pirogue au milieu de la route pour protester contre l’inertie des autorités.
Les promesses de l’État
Balla Gueye, l’adjoint au maire chargé du cadre de vie, a fait savoir que l’État allait prendre plusieurs mesures pour empêcher l’avancée de la mer. « Des travaux d’installation des brise-lames sont bientôt prévus. L’État prend des dispositions et les travaux se feront sur une partie du littoral entre Guet-Ndar et Gokhou-Mbathie et ce à court terme », explique-t-il.
Selon lui, plusieurs initiatives vont être prises comme : la construction d’une digue de protection côtière, la construction d’une route qui fera office de barricade pour les personnes qui vivent sur le littoral, et à court terme la délocalisation des habitations trop proche de la mer.
Afin d’accélérer les travaux de l’installation de la digue de protection, Mansour Faye, maire de Saint-Louis et ministre de l’Hydraulique, accompagné de l’agence des grands travaux du Sénégal (APIX), s’est rendu jeudi 24 août dans les quartiers les plus dévastés par la montée des eaux. Dimanche, il s’était enquis des dégâts enregistrés et avait remis des denrées alimentaires (huile, riz, sucre) et des enveloppes de 50 000 francs CFA.
Le canal de délestage controversé
En octobre 2003, suite à un risque important d’inondation dans la ville, l’ancien président Abdoulaye Wade avait décidé d’ouvrir un « canal de délestage » pour protéger la ville et pour faciliter l’écoulement du fleuve vers la mer, à 7 km au sud de la ville.
Selon Moussa Fall, conservateur du parc de la langue de Barbarie, le canal a tout de même « permis de protéger la langue de Barbarie ». Mais pour Cheikh Saad Bou Seye, le canal « a aggravé la situation. Des villages ont été rasés, comme Doun Baba Dièye qui est un village mythique ».
Haidar El Ali, ancien ministre de l’Écologie et de la Protection de la nature de Macky Sall, explique que lorsque le canal de délestage a été creusé, une brèche s’est formé, laissant l’eau s’engouffrer et l’écosystème se dégrader. « Au début la brèche était de quatre mètres. Aujourd’hui, elle fait six kilomètres de long. Le canal de délestage n’a donc servi absolument à rien », estime-t-il
Vers une possible disparition de la langue de Barbarie
Selon l’ex-ministre, il reste peu de solutions pour empêcher la disparition de la langue de Barbarie. « Les solutions les plus faciles, les plus accessibles, les moins coûteuses sont le reboisement essentiellement de la mangrove, la protection des aires marines et la création des digues sous-marines. »
« Si la nature va reprendre son équilibre, les populations vont devoir se loger ailleurs », s’indigne-t-il.
Moussa Fall, le conservateur du parc de la langue de Barbarie, est plus positif. Selon lui, « on perd une partie de la langue côté Sud mais côté Nord, la langue est en train de se reconstruire ».
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