La feuille de route de l’institut Montaigne pour réformer la politique arabe de la France
Maghreb, immigration, islamisme… L’institut de prospective français a tracé dans un rapport publié jeudi les quatre priorités pour la France afin que celle-ci réintègre une région où elle se trouve en perte de vitesse. Tour d’horizon des préconisations.
« Nouveau monde arabe, nouvelle politique arabe pour la France ». C’est l’intitulé d’un nouveau rapport de l’Institut Montaigne publié jeudi 24 août. Rédigé par le chercheur Hakim El Karoui, conseiller en stratégie et ancien collaborateur de Jean-Pierre Raffarin à Matignon – il avait publié un rapport sur le profil des musulmans de France en 2016 -, le nouveau document explique comment la France a perdu son influence dans une région en pleine transformation. Méthodique et riche en statistiques, le rapport dresse, par ailleurs, le portrait de la nouvelle politique que la France devrait mettre en place dans la région. En voici les quatre pistes-clés.
L’avenir de la France se trouve au Maghreb, pas dans les pays du Golfe
La France doit rester focalisée sur le Maghreb, et non les pays du Golfe. Malgré les juteux contrats d’armement signés avec les saoudiens ou le business qatari qui fleurit en France, il est impossible pour l’Hexagone de se faire une place au soleil golfique. Car la culture anglo-saxonne y est durablement installée.
La prospérité du Maghreb, c’est notre prospérité
En revanche, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie représentent 80% de l’immigration depuis la région arabe, 80% du contingent d’étudiants étrangers en France et 28 des 33 millions de francophones présents dans la région. La France a échangé pour prés de 27 milliards d’euros avec ces trois pays en 2015, contre 19,3 milliards d’euros avec le Golfe. « La stabilité du Maghreb, c’est notre stabilité. La prospérité du Maghreb, c’est notre prospérité. Les problèmes du Maghreb, ce sont nos problèmes. Et, à maints égards, les problèmes de la France, ce sont les problèmes du Maghreb », souligne le rapport. Priorité au Maghreb, donc, mais en mettant en place une politique axée sur trois piliers : la sécurité, le développement économique et l’influence culturelle.
Contenir l’islamisme
L’islam radical n’est plus un sujet extérieur à la France. Cette dernière doit construire son propre modèle de lutte sans tutelle étrangère. Il n’y a aucun sens à nouer des accords avec l’Arabie saoudite alors que c’est un des premiers pays exportateurs de la pensée radicale.
L’islam d’Europe ne peut rester un corps étranger
La France doit construire des alternatives chez elle et former ses propres imams. Son premier partenaire est l’Europe. Le sujet doit donc être porté à l’échelle européenne. « L’islam d’Europe ne peut rester un corps étranger et doit se détacher du monde arabe pour pleinement s’intégrer à la culture européenne et aider à y intégrer les musulmans du continent « , souligne le rapport.
Répondre au défi migratoire
La France et l’Union européenne doivent se donner les moyens de répondre, dès à présent, aux crises migratoires présentes et à venir. Prévenir vaut mieux que de se trouver incapable de guérir. Le défi migratoire doit être au centre de la politique étrangère de la France avec les pays de la région. Avec le Maghreb, il faut adopter une politique de cogestion de ces enjeux au sein du Dialogue 5+5, le plus ancien cadre de rencontre entre pays du bassin méditerranéen. Avec le reste des pays européens, il faut harmoniser les messages envoyées aux pays de départ et créer un droit d’asile commun.
Se positionner en tant que force médiatrice
Le monde arabo-musulman est entré dans une phase de transformation profonde. Presque aucun pays n’est épargné, ce qui équivaut à des incertitudes durables, estime le rapport. De fait, la France doit faire évoluer sa politique étrangère, longtemps basée sur la doctrine ami/ennemi, en adoptant une ligne plus équilibrée. De la realpolitik à l’anglo-saxonne.
Dans la crise entre les monarchies du Golfe et l’Iran, la France doit jouer les médiateurs, sans jugement, à la mesure de ses moyens et en fonction de ses intérêts.
En Syrie, une fois l’État islamique tombé, « la France doit rechercher une solution politique qui prenne en compte les intérêts des différentes puissances régionales sans faire du départ de Bachar al-Assad un préalable absolu à toute solution politique, mais plutôt un objectif à court ou moyen terme », estime le rapport.
Avec Israël, les relations commerciales doivent être dynamisées mais en continuant à appuyer la solution à deux États. Quant à l’Égypte de al-Sissi, c’est plutôt un soutien prudent qui est préconisé. La France doit encourager le régime à se stabiliser mais en « préservant sa marge à l’opposition ».
Même prudence envers la Turquie, où Paris est appelé à faire preuve de fermeté face à l’ingérence d’Ankara dans les organisations islamiques françaises. Mais tout en ménageant un partenaire crucial dans la résolution de la problématique syrienne et celle de la migration.
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