Bénin : Sébastien Ajavon sous le coup d’un redressement fiscal de 167 milliards de francs CFA
Après avoir fait l’objet d’un contrôle des services fiscaux, l’homme d’affaires Sébastien Germain Ajavon, arrivé troisième lors de la dernière présidentielle au Bénin, doit désormais s’acquitter de la somme de 167 milliards de francs CFA. Ses partisans parlent de « harcèlement » de la part du régime du président Talon.
Les agents du fisc épluchent depuis le mois de mai les comptes de trois sociétés appartenant à Sébastien Ajavon, spécialisé dans la distribution des produits de la volaille. Le contrôle, portant sur les trois dernières années (2014, 2015 et 2016), a concerné les sociétés COMON SA, SCI L’Elite et JLR SA, aujourd’hui fermées et sur les cendres desquelles l’homme d’affaires a créé cette année une autre société dénommée Agro Business. « L’une des questions est : pourquoi crée-t-il de manière successive trois sociétés, puis les ferme pour en ouvrir d’autres ? » s’interroge une source proche de l’enquête.
À l’issue de ces trois mois de vérifications, l’administration fiscale estime avoir relevé des faits graves d’ »évasion fiscale » et de « maquillage de comptes ». Notamment, d’importants « mouvements illicites » auraient été relevés avec une société intermédiaire de droit français dirigée par Violette Djidjoho, qui se trouve être la directrice des affaires financières des sociétés du « roi de la volaille ».
Dans la lettre de notification de la procédure de redressement qu’elle lui a envoyée mi-août, l’administration fiscale met Sébastien Ajavon en demeure de payer 167 milliards de francs CFA (soit près de 255 millions d’euros), qui représente la somme des amendes et taxes impayées. Un montant colossal, trois fois plus important, à titre d’illustration, que le chiffre d’affaires annuel de l’une de ses sociétés épinglées, JLR SA (46 milliards de francs CFA).
Récidive
Si l’homme d’affaires n’a pas encore officiellement réagi, ses partisans crient au « harcèlement » et estiment que ce redressement est la « preuve supplémentaire » que le régime de Patrice Talon cherche à « liquider le patrimoine » de Ajavon en vue de « réduire sa force de frappe » lors des prochaines législatives prévues pour 2019 et tremplin de la présidentielle de 2021.
Sébastien Ajavon n’en est pas à son premier démêlé avec le gouvernement Talon. On se souvient qu’en octobre 2016, il a été cité dans une affaire de trafic de cocaïne pour laquelle il a été gardé à vue pendant huit jours avant d’être relaxé par le tribunal de première instance de Cotonou, « au bénéfice du doute ».
Dans sa vie de businessman, le magnat béninois de la volaille a déjà subi un redressement fiscal polémique. En 2012, sous le régime de Boni Yayi, il avait écopé d’un redressement de l’ordre de 35 milliards de francs CFA qu’il n’a finalement pas payé, à la faveur d’un protocole d’accord conclu avec le gouvernement d’alors, grâce notamment à la médiation du clergé béninois.
La bataille ne fait que commencer
Selon le code béninois des impôts, la procédure de redressement fiscal offre au contribuable des voies de recours. « Aujourd’hui, aucun redressement n’entraîne l’exécution forcée comme avant, où l’administration fiscale pouvait faire un blocage systématique des comptes. Le contribuable peut contester le redressement sans le versement de la totalité des montants, objet du redressement », explique Serge Prince Agbodjan, juriste-fiscaliste.
D’abord, Ajavon, président du patronat béninois, a 30 jours pour envoyer ses observations à l’administration fiscale et c’est seulement après la confirmation de la somme contestée qu’une procédure contentieuse peut s’ouvrir. Le contribuable sous le coup d’un redressement a également, pour faire entendre sa cause, la possibilité de saisir une commission dite des impôts où siègent les représentants du secteur privé. Enfin, souligne Maître Agbodjan, il a la possibilité de saisir le juge du tribunal d’instance, puis éventuellement la Cour d’appel et en dernier ressort la Cour suprême. C’est donc un véritable bras de fer judiciaire qui vient de s’engager. Mais comme le 4 novembre 2016, lorsque Ajavon a évité de peu la prison grâce à une forte pression de la rue, la bataille est loin d’être seulement judiciaire.
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