Égypte : trois morts dans la répression de la commémoration des massacres de 2013

Au moins trois personnes ont été tuées jeudi au Caire en marge de manifestations des partisans du président déchu Mohamed Morsi qui ont peiné à mobiliser à l’occasion du premier anniversaire de la répression sanglante de rassemblements islamistes.

Des partisans du président déchu bloquent la route dans les quartiers nord du Caire, le 14 août. © Khaled Kamel/AFP

Des partisans du président déchu bloquent la route dans les quartiers nord du Caire, le 14 août. © Khaled Kamel/AFP

Publié le 15 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Le 14 août 2013, soit un peu plus d’un mois après la destitution puis l’arrestation de l’islamiste Morsi par l’ex-chef de l’armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi, les forces de sécurité mettaient fin dans le sang à deux sit-in de ses partisans sur les places de Rabaa al-Adawiya et Nahda au Caire, faisant plus de 700 morts en quelques heures, selon un bilan officiel.

L’organisation internationale Human Rights Watch (HRW) a accusé les nouvelles autorités d’avoir perpétré ce jour-là "une tuerie de masse" qui "s’apparente probablement à un crime contre l’Humanité", réclamant une enquête visant jusqu’à M. Sissi.

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>> Lire : Sissi et le massacre de Rabaa al-Adawiya, le Tian’anmen égyptien

Les partisans de M. Morsi avaient appelé à manifester jeudi sous le slogan "Nous exigeons un châtiment" mais leur mobilisation était faible, alors que la répression les visant, qui s’est poursuivie après le 14 août, a fait un total de 1.400 morts depuis son éviction le 3 juillet 2013.

Deux personnes, un manifestant pro-Morsi et un mécanicien qui se trouvait dans son atelier, ont été tuées dans des affrontements distincts entre la police et des manifestants islamistes dans l’ouest du Caire, a indiqué un responsable de la sécurité.

Une troisième personne a péri dans des heurts entre partisans et opposants de M. Morsi, dans le nord de la ville, selon un autre responsable de la sécurité.

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Les forces de sécurité ont par ailleurs tiré des gaz lacrymogènes pour disperser trois rassemblements pro-Morsi dans la ville côtière d’Alexandrie (nord) ainsi que dans le village de Kerdassa, dans la banlieue du Caire, où des affrontements limités ont eu lieu avec la police, selon des responsables de la sécurité.

Des heurts similaires ont éclaté dans le quartier de Matariya, dans le nord de la capitale, et dans la province de Charquiya, dans le delta du Nil, selon les même sources.

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"Triste mais nécessaire"

Au total, au moins 14 personnes ont été blessées selon ces sources. Et près de 114 ont été arrêtées en marge des rassemblements à travers le pays, selon un communiqué du ministère de l’Intérieur.

D’autre part, un policier a été tué par balle par des assaillants inconnus dans la banlieue sud du Caire, ont indiqué des responsables de la sécurité sans préciser si l’incident était lié à l’anniversaire de la répression.
En prévision des manifestations, la police s’était déployée près des places de Rabaa al-Adawiya et Nahda, et de l’emblématique place Tahrir, épicentre de la révolte de 2011 qui a mis fin au pouvoir de Hosni Moubarak.

Pour le directeur exécutif de HRW, Kenneth Roth, "les forces de sécurité égyptiennes ont perpétré (sur la place Rabaa) l’une des plus grandes tueries de manifestants en une seule journée dans l’histoire récente" du pays.

>> Lire le témoignage de Fatma, survivante de Rabaa : "Il y avait du sang partout"

L’influent prédicateur Youssef al-Qaradaoui, un Qatari d’origine égyptienne, a réclamé quant à lui jeudi des poursuites judiciaires contre "les dirigeants du complot militaire" en Egypte pour la journée du 14 août, dénonçant un "massacre organisé et prémédité".

Mais Hazem el-Beblawi, qui était alors Premier ministre, a jugé jeudi que la décision de mettre fin aux rassemblements était "triste mais nécessaire."

"Je n’ai pas un seul doute sur le fait que ce qui s’est passé était juste", a-t-il dit à l’AFP.

"Il n’y a pas eu d’usage disproportionné de la force (…) (l’opération) a duré aussi longtemps à cause de la résistance" des manifestants, a-t-il dit.

Lors de sa campagne pour l’élection présidentielle, M. Sissi avait promis au printemps "d’éradiquer" la confrérie des Frères Musulmans dont est issu M. Morsi, qui avait déjà été déclarée "organisation terroriste" en décembre 2013.

L’organisation est ainsi retombée dans la clandestinité alors qu’elle avait remporté toutes les élections depuis la révolte de 2011.

Plus de 15.000 Frères musulmans et sympathisants ont été emprisonnés. Des centaines ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs.

Les ONG des droits de l’Homme dénoncent le retour à un pouvoir militaire plus liberticide encore que celui de Moubarak, qui régna 30 ans d’une main de fer.

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