Turquie : élu président, Erdogan asseoit son règne et prêche la réconciliation

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2003, a été élu dimanche président de la Turquie pour un mandat de cinq ans dont il promet qu’il sera placé sous le signe de la réconciliation et de l’unité, niant toute dérive autoritaire.

Erdogan veut renforcer les prérogatives du président au prix d’une réforme de la Constitution. © AFP

Erdogan veut renforcer les prérogatives du président au prix d’une réforme de la Constitution. © AFP

Publié le 11 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Comme le suggéraient les sondages, l’homme fort du pays a largement devancé ses deux adversaires dès le premier tour de ce scrutin disputé pour la première fois au suffrage universel direct, avec 52% de suffrages.

Candidat commun de l’opposition social-démocrate et nationaliste, Ekmeleddin Ihsanoglu, un historien réputé de 70 ans qui a dirigé l’Organisation de la coopération islamique (OCI), a réuni plus de 38% des suffrages, alors que celui de la minorité kurde, Selahattin Demirtas, en a rassemblé près de 10%.

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Même si elle est loin du raz-de-marée prédit par les sondages, cette victoire constitue un succès pour M. Erdogan, qui rejoint ainsi le père fondateur de la République laïque, Mustafa Kemal Atatürk, dans le club des dirigeants les plus emblématiques du pays.

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Après une campagne au ton très agressif où il a multiplié les attaques contre ses rivaux, le nouveau chef de l’Etat s’est voulu apaisant en annonçant une "nouvelle ère", loin des "disputes du passé" qui ont agité ses onze ans de règne.

"Je serai le président de 77 millions de Turcs, et pas uniquement de ceux qui ont voté pour moi", a-t-il assuré devant des milliers de fidèles réunis sous le balcon du quartier général de son parti à Ankara. "Je prie tous ceux qui me qualifient de dictateur et d’autocrate de revoir leur position", a-t-il lancé à ceux qui l’accusent de vouloir restreindre les libertés ou d’islamiser le pays.

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Comme M. Erdogan a toutefois confirmé son intention de conserver les rênes de la Turquie au poste de président, dont il veut considérablement renforcer les prérogatives au prix d’une réforme de la Constitution. "Le président élu et le gouvernement élu œuvreront main dans la main", a-t-il souligné après avoir glissé, en famille, son bulletin dans l’urne à Istanbul.

Campagne "injuste"

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Sans surprise, M. Erdogan a facilement pris le dessus sur ses deux rivaux, au terme d’une campagne qu’il a écrasée de son charisme, de la puissance financière de son Parti de la justice et du développement (AKP) et de son emprise sur les médias du pays.

MM. Ihsanoglu et Demirtas ont tous les deux pris acte de leur défaite mais dénoncé une compétition "injuste" ou "inéquitable".

Sitôt les résultats connus, des milliers de partisans ont envahi les rues des grandes villes pour célébrer, à grands coups de klaxon, la victoire de leur héros. "On est trop content ! Vraiment, on l’adore, on l’aime car tout ce qu’il a fait, c’est bien", a exulté Yigit Cöskün dans les rues d’Istanbul. "A présent, nous sommes un pays reconnu par tous les leaders internationaux (…) je suis fier de dire que je suis turc", a renchéri, drapeau turc en main, Türgüt Gübahar.

Paradoxalement, le triomphe attendu de M. Erdogan intervient au terme d’une année politique très difficile pour son camp. En juin 2013, des millions de Turcs ont dénoncé dans les rues sa dérive autoritaire et islamiste. La sévère répression de cette révolte a sérieusement écorné l’image du régime.

L’hiver dernier, c’est un scandale de corruption sans précédent qui a éclaboussé le pouvoir. M. Erdogan a dénoncé un "complot" de son ex-allié islamiste Fethullah Gülen, avant de purger la police et de museler les réseaux sociaux et la justice.

Mais, même contesté comme jamais, Recep Tayyip Erdogan a remporté les élections locales de mars et reste très populaire dans un pays qu’il a débarrassé de la tutelle de l’armée et dont la majorité religieuse et conservatrice a profité de la forte croissance économique sous son règne.

Malgré le ton modéré du premier discours du président élu, l’opposition a dénoncé la volonté de M. Erdogan de présidentialiser le système politique turc et agité le spectre d’une dérive vers un régime autocratique.

"Nous sommes désormais confrontés à un pouvoir oppresseur qui n’est plus contrôlé par la Constitution mais essaie d’imposer son propre régime arbitraire", a ainsi lancé le porte-parole du Parti républicain du peuple (CHP), Haliç Koç.

"Pour de nombreuses raisons, la principale difficulté pour Erdogan n’est pas de remporter la présidentielle, mais ce qui va suivre", a pronostiqué l’universitaire Ziya Meral, de l’université britannique de Cambridge.

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