Présidentielle au Kenya : le recours de l’opposition examiné par la Cour suprême
La Cour suprême kényane a commencé lundi l’examen sur le fond du recours déposé par le candidat malheureux à l’élection présidentielle, Raila Odinga. Celui-ci conteste la victoire du président sortant Uhuru Kenyatta lors du scrutin du 8 août.
L’élection présidentielle kényane a-t-elle été entachée par des fraudes ? C’est la question à laquelle doit répondre le plus haut tribunal du pays, saisi le 18 août par l’opposition, qui rendra son avis définitif d’ici vendredi 1er septembre.
Après une semaine consacrée au dépôt par écrit des arguments de la coalition d’opposition Nasa, et des contre-arguments de la Commission électorale (IEBC) et de Uhuru Kenyatta, l’équipe juridique de Raila Odinga a commencé lundi à exposer ses griefs.
L’alternative de la Cour
« Une élection doit être conduite conformément à la loi » et les irrégularités constatées « ne peuvent pas être considérées comme des infractions mineures », a déclaré devant la Cour James Orengo, l’avocat principal de l’opposition, qui est aussi l’un des hauts dirigeants de Nasa.
Si les arguments de l’opposition font mouche auprès des magistrats de la Cour, ces derniers pourront annuler le scrutin, obligeant l’IEBC à organiser une nouvelle élection présidentielle dans un délai de 60 jours. Dans le cas contraire, Uhuru Kenyatta, 55 ans, sera investi une semaine plus tard pour un second mandat de cinq ans.
« Meurtres illégaux et passages à tabac »
L’annonce le 11 août de la victoire du président sortant, avec 54,27% des voix contre 44,74% pour Raila Odinga, avait déclenché deux jours de manifestations et d’émeutes réprimées par la police dans des bidonvilles de Nairobi et dans l’Ouest, des bastions de l’opposition. Des violences au cours desquelles au moins 21 personnes, dont un bébé et une fillette de neuf ans, avaient trouvé la mort, selon un bilan de l’AFP établi à partir de sources policières, hospitalières et d’un rapport de l’ONG Human Rights Watch. Elles ont été tuées pour l’essentiel par la police.
HRW a estimé que l’élection avait été « marquée par de graves violations des droits de l’homme, dont des meurtres illégaux et passages à tabac par la police lors de manifestations et d’opérations de fouille des maisons dans l’ouest du Kenya ».
Un retour des violences ?
Mais l’accalmie observée depuis le 13 août sera-t-elle pérenne ? Les observateurs craignent que de nouvelles violences n’éclatent si la Cour suprême donne tort à Raila Odinga, comme elle l’avait fait en 2013. L’opposition a indiqué pour sa part que le scrutin présidentiel avait été « si mal conduit et entaché de tellement d’irrégularités qu’il importe peu de savoir qui a gagné ou qui a été déclaré vainqueur ».
D’après Nasa, le processus de compilation et de vérification des résultats a été marqué par des erreurs et incohérences « délibérées et calculées » qui auraient affecté les résultats sur « au moins 7 millions de voix » (plus du tiers des inscrits). Ainsi, des procès-verbaux comptant pour près de 600 000 votes auraient été signés par des assesseurs qui n’étaient pas habilités à le faire et les résultats de certains bureaux auraient été modifiés au moment de leur transmission. L’opposition affirme aussi qu’environ 10 000 procès-verbaux sur près de 41 000 n’avaient pas été reçus par l’IEBC lorsque cette dernière a proclamé la victoire de Kenyatta.
« Ces erreurs semblent suivre un schéma cohérent, c’est-à-dire gonfler le nombre de votes pour M. Kenyatta et diminuer le nombre de votes pour Raila Odinga », a soutenu Otiende Amollo, autre avocat de l’opposition.
Quelques « erreurs humaines » vites corrigées
La Cour a accédé à une requête de l’opposition qui réclamait l’accès à tous les serveurs du système électronique de l’IEBC, ses pare-feux, les données GPS des kits de collecte et transmission des résultats, ainsi que les copies originales des procès-verbaux.
Les avocats de l’IEBC et de son président se sont relayés pour contester les accusations de l’opposition. Me Paul Muite a souligné que le principe de la souveraineté du peuple devait primer sur toute autre considération et a invité la Cour à examiner la totalité des procès-verbaux.
L’IEBC reconnaît avoir décelé quelques « erreurs humaines commises par inadvertance », mais assure les avoir corrigées.
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