Ouganda : Gay Pride au bord du lac Victoria, le pouvoir contre-attaque
Dansant sur les bords du lac Victoria pour leur Gay Pride, les militants de la cause homosexuelle en Ouganda ont célébré samedi l’annulation d’une nouvelle législation anti-homosexualité mais le gouvernement contre-attaque en faisant appel de la décision en justice.
"C’est l’occasion de nous retrouver. Tout le monde devait se cacher à cause de la loi contre l’homosexualité", a déclaré Sandra Ntebi, l’une des organisatrices de l’"Uganda Pride", la première depuis l’annulation surprise de la nouvelle loi, décidée la semaine dernière par la Cour constitutionnelle.
"C’est un jour de fête pour chacun d’entre nous", a-t-elle ajouté en se félicitant que la police ait autorisé l’événement. Sur invitation seulement, celui-ci a rassemblé une centaine de personnes dans un jardin botanique à un kilomètre du palais présidentiel d’Entebbe, à 35 km de Kampala, la capitale.
"L’Ouganda a ses homosexuels. Il faut vous y faire", disait un auto-collant.
Cette Gay Pride célébrait une rare bonne nouvelle pour la communauté homosexuelle dans un pays où les relations sexuelles entre personnes du même sexe, déjà passibles de la prison à vie depuis plus d’un demi-siècle, étaient tombées sous le coup d’une nouvelle législation durcissant encore la répression.
Jugeant que le quorum de députés requis pour son adoption n’avait pas été réuni, la Cour constitutionnelle avait annulé le 1er août la loi votée au Parlement en décembre 2013 et promulguée en février dernier par le président Yoweri Museveni.
La loi avait entraîné des protestations en Occident notamment, où plusieurs bailleurs de fonds, dont les Etats-Unis, avaient suspendu certaines de leurs aides. Mais, malgré les pressions internationales, les partisans d’un durcissement anti-gay n’ont pas dit leur dernier mot.
"Courage" d’être gay
Des législateurs ont signé une pétition pour que le texte soit réintroduit et le représentant juridique du gouvernement a annoncé samedi avoir fait appel de la décision de la Cour constitutionnelle.
"Nous ne sommes pas satisfaits de la décision de la Cour et nous avons fait appel" devant la Cour suprême, a déclaré à l’AFP Fred Ruhinda, adjoint du conseiller juridique représentant le gouvernement en justice.
"La loi n’avait pas l’intention de stigmatiser les homosexuels, elle visait l’intérêt général", a-t-il affirmé.
Dénoncée comme "abominable" par les groupes de défense des droits de l’homme, la loi maintenait la prison à vie pour les homosexuels prévue dans la législation, héritée de l’époque coloniale et toujours en vigueur. Elle y ajoutait la répression de la "promotion de l’homosexualité" et l’obligation de dénoncer les homosexuels.
Selon ses critiques, le président Museveni avait promulgué la législation en vue de la présidentielle de 2016, qui marquera sa 30e année au pouvoir, dans un pays où l’homophobie, ouvertement relayée par les puissantes Eglises évangéliques, est largement répandue.
Quelle que soit l’issue de la bataille à venir, l’heure était à la fête samedi pour les militants ougandais, qui disent se battre aussi pour leurs camarades africains. "Depuis que j’ai découvert que j’étais gay, j’avais peur de le montrer, mais j’en ai aujourd’hui le courage", a déclaré l’un d’eux, Alex Musoke.
Pepe Onziema, un autre participant, a juré que la mobilisation se poursuivrait jusqu’à ce que la législation soit définitivement abandonnée. "L’Ouganda donne le mauvais exemple, non dans la région mais dans le monde, en insistant sur cette loi", a-t-il dit. "Nous sommes africains, nous voulons montrer comment la société civile se bat en Afrique".
L’Ouganda est loin d’être une exception: près des trois quarts des pays d’Afrique disposent de législations interdisant ou réprimant l’homosexualité, souvent héritées des lois coloniales.
Début 2014, le président nigérian Goodluck Jonathan a promulgué une loi très critiquée sur la scène internationale, qui interdit les unions entre personnes de même sexe et restreint les droits des homosexuels.
Samedi à Entebbe, la présence policière était discrète et aucun représentant du camp adverse ne s’est manifesté, même si beaucoup en ville se déclaraient hostiles à la Gay Pride.
"C’est une honte pour l’Ouganda", s’est indigné un chauffeur de moto-taxi, William Kamurasi. Pour lui, "la police doit faire cesser ces activités".
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