Algérie : le policier Tayeb, un héros mort pour sauver la vie des autres

Un terroriste portant une ceinture d’explosifs s’est fait sauter devant le siège de la Sûreté de la wilaya (préfecture de police) de Tiaret, jeudi 31 août, causant la mort de deux policiers.

Photo non datée de Aissani Tayeb. © DR

Photo non datée de Aissani Tayeb. © DR

FARID-ALILAT_2024
  • Farid Alilat

    Journaliste à Jeune Afrique depuis de nombreuses années, Farid Alilat est spécialiste de l’Algérie.

Publié le 31 août 2017 Lecture : 4 minutes.

Je retiens surtout de cet attentat suicide le geste héroïque de ce jeune policier, Aissani Tayeb, qui s’est jeté sur le kamikaze pour l’empêcher de commettre un carnage.

Tayeb a payé de sa vie pour sauver celles d’autrui. Saad Aloui, un autre policier qui se trouvait sur les lieux du drame, a succombé à ses blessures peu de temps après avoir été transféré à l’hôpital.

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On n’ose pas imaginer ce qui se serait produit dans cette bâtisse qui abrite des policiers et qui est située en centre-ville si ce courageux policier ne s’était pas jeté sur ce terroriste. En février dernier, un autre policier avait accompli un geste de bravoure identique en empêchant un kamikaze de s’introduire avec une ceinture d’explosifs dans un commissariat du centre-ville de Constantine. Là aussi, la réaction du policier en faction a été décisive et a évité un massacre.

Geste extrême de bravoure

L’attitude du policier Tayeb est le geste extrême de bravoure, de don de soi et d’héroïsme. Que Tayeb repose en paix et que sa famille et ses proches soient fiers de leur enfant mort pour que vivent les autres. L’État doit organiser à Tayeb des funérailles nationales et un hommage officiel parce qu’au-delà de la reconnaissance de son geste, il est nécessaire qu’une nation s’identifie à des héros comme ce jeune policier.

Dans la douleur et l’affliction, elle peut se retrouver dans ces valeurs de don de soi, de dévouement et de sacrifice pour le bien et la sécurité de la communauté. Combien de policiers, gendarmes, officiers ou simples soldats se sont sacrifiés au courant de la décennie rouge qui a fait plus de 120 000 victimes, sans pour autant que leurs actes de courage et de bravoure ne soient reconnus et honorés ? On entend souvent les Algériens se plaindre et regretter, à juste titre d’ailleurs, que la lutte contre le terrorisme qui a été menée durant ces années de terreur – et qui continue d’être menée à ce jour -, ne soit pas reconnue et saluée aujourd’hui par la communauté internationale. À chaque attentat ou attaque terroriste qui frappe et endeuille la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne ou encore la Belgique, on les entend dire : « Où étiez-vous quand nous menions seuls la lutte contre le terrorisme islamiste ? Pourquoi ne vous êtes vous pas solidarisés avec nous quand nous affrontions seuls ces monstres dont la barbarie n’a pas de limites ni de frontières ? »

Nous avons presque vaincu le terrorisme, mais nous n’avons pas de héros auxquels la nation peut s’identifier, se reconnaître

Ces reproches, ces regrets, ces ressentiments et ces amertumes sont certes justes, justifiées et compréhensibles. Mais qu’a-t-on fait pour honorer ces petits et grands sacrifices de nos services de sécurité morts, blessés ou mutilés à vie pour sauver des vies, éviter que le pays sombre dans les ténèbres où voulaient le précipiter les groupes islamiques armés ? Nous avons presque vaincu le terrorisme, mais nous n’avons pas de héros auxquels la nation peut s’identifier, se reconnaître. Des héros pour incarner cette victoire de la vie contre la mort.

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Si elle a permis de dégarnir les maquis, si encore elle a participé à réduire les poches terroristes, la politique de réconciliation nationale conduite depuis l’arrivée au pouvoir du président Bouteflika en 1999 a fait en sorte d’imposer une sorte d’omerta sur cette lutte anti-terroriste. Au nom la paix et de la réconciliation, on a jeté un voile pudique sur les sacrifices de ces hommes et de ses femmes qui ont payé de leur vie pour que la république reste debout.

Le souvenir de ceux qui se sont sacrifiés

Il y a quelques années, j’ai réalisé une enquête pour Jeune Afrique sur la vie après le maquis. Je voulais savoir ce qu’étaient devenus les terroristes qui ont déposé les armes ou qui ont été graciés. Je voulais également savoir ce qu’étaient devenus ceux qui les ont combattus. J’avais donc longuement discuté avec un officier qui avait traqué des groupes armés avant d’être admis à la retraite anticipée. Il m’a alors confié ceci : « J’ai compris qu’une page s’était tournée le jour où un haut responsable, en visite dans une caserne de bérets rouges, a ordonné que l’on décroche les portraits des militaires morts en service commandé, sous prétexte que les photos portaient un coup au moral des troupes. J’ai compris qu’on ne voulait garder ni traces ni souvenirs de ceux qui se sont sacrifiés pour ce pays, car on avait décrété que la paix était revenue grâce à la réconciliation. »

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Non seulement il faut garder traces et souvenirs de ceux qui se sont sacrifiés, mais il faut les honorer comme des héros. Des héros comme Tayeb Aissani, mort ce jeudi pour sauver la vie de ses compatriotes dans un commissariat de Tiaret.

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