Démographie : le 21e siècle sera-t-il africain ?

À en croire les prévisions statistiques, l’Afrique pourrait devenir le nouveau moteur économique du monde. Mais l’Unicef, rabat-joie, rappelle qu’en matière de démographie, les records prévisionnels sont à double tranchant.

Il pourrait y avoir 4,2 milliards d’Africains à la fin du siècle. © Glez/J.A.

Il pourrait y avoir 4,2 milliards d’Africains à la fin du siècle. © Glez/J.A.

Publié le 13 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Voici venu un nouveau classement par lequel l’Afrique pourrait faire pâlir d’envie les autres régions du monde. Traditionnellement à la traîne des statistiques, le continent, pétri de valeurs qualitatives dégagées des obsessions arithmétiques, compterait-il enfin dans les batailles de chiffres ? À droite, l’Afrique bande fièrement le biceps d’une croissance économique qui la propulse au rang d’eldorado fantasmatique. À gauche, elle exhibe le "cubage" prévisionnel de sa population qui devrait décupler les effets du Produit intérieur brut par habitant.

C’est l’Unicef qui actualisait publiquement, en début de semaine, ses données démographiques. Si des pays comme la Bulgarie ou le Japon connaissent des replis statistiques de nature à faire reculer, en valeur absolue, leur population, les Africains continuent de se multiplier. Alors que le continent noir représentait 7% de l’Humanité au début du 20e siècle, l’agence onusienne dédiée à l’enfance annonce qu’il devrait héberger 25% des Humains d’ici 2050 et 40% d’ici 2100. L’Afrique compte actuellement 1,2 milliard d’habitants, soit 16 % de la population mondiale. Ce chiffre devrait atteindre 4,2 milliards à la fin du siècle.

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>> Lire aussi : selon l’Ined, le quart de la population sera africain en 2050

Deux milliards de bébés d’ici 2050

Sans surprise, ce quadruplement en moins de quatre générations est le résultat d’indices élevés de fertilité, de taux inédits de natalité, du nombre croissant de femmes en âge de procréer et des progrès en matière de mortalité. Ce boom démographique interpelle particulièrement l’Unicef, puisqu’il aura pour effet la naissance de presque deux milliards de bébés, en Afrique, d’ici 2050. Le continent abritera alors 40% des enfants de moins de cinq ans sur la planète.

Faut-il se réjouir de voir naître des kyrielles de bambins, à une époque où la moitié des enfants qui meurent sur la planète sont africains ?

À lui seul, le Nigeria pourrait représenter 10 % des naissances mondiales. Plus on est de fous, plus on rit. Mais la masse démographique n’est pas toujours synonyme de confort individuel, ni même d’influence collective. Les changements de population que l’Unicef qualifie "d’intensité sismique" constituent un risque tout autant qu’une opportunité. Le défi lié au nombre ne sera relevé qu’avec des investissements cohérents en santé et en éducation, particulièrement en direction des jeunes filles.

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Faut-il se réjouir de voir naître des kyrielles de bambins, à une époque où la moitié des enfants qui meurent sur la planète sont africains ? Au terme évoqué par l’UNICEF –l’année 2050-, ce ratio pourrait s’élever à 70%. Sans transition démographique réfléchie, les avantages économiques d’une croissance glorifiée ne pourront endiguer une pauvreté inscrite dans de nouvelles disparités. Le surplus de population continuera d’apparaître comme un trop-plein susceptible de se déverser à Melilla ou Lampedusa. En 2014, les chercheurs spécialistes des questions de population continuent de promouvoir le contrôle de la fécondité, condition du développement social avant d’en devenir, un jour, une conséquence.

Nuances régionales

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Au niveau du noyau familial, c’est l’aisance financière qui devrait justifier la procréation, alors que la procréation continue d’être considérée, traditionnellement, comme une perspective de richesse pour le clan. Au niveau global, un dollar investi dans la planification familiale permettrait aux EÉtats d’économiser jusqu’à quatre dollars en dépenses de santé, de logement, d’approvisionnement et d’autres services publics. Un contrôle de la croissance démographique permet, par ailleurs, d’anticiper au mieux la pression humaine sur les ressources naturelles.

Sur ces questions comme sur d’autres, les statistiques continentales ne doivent pas occulter les nuances régionales. L’Afrique australe a déjà largement effectué sa transition démographique et l’Afrique de l’Est s’est clairement engagée sur cette voie que peinent à emprunter l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. C’est pourtant à ce prix que les alléchantes statistiques africaines ne resteront pas un trompe-l’œil ; à ce prix que les croissances démographiques et économiques assureront à l’Afrique l’avenir d’un tigre asiatique ; à ce prix que le 21e siècle sera africain.

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Damien Glez

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