Zimbabwe : le feuilleton Grace Mugabe
Véritable personnage de telenovela zimbabwéenne, Grace Mugabe est bien plus que le faire-valoir de son époux…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 6 septembre 2017 Lecture : 2 minutes.
À défaut de dérober le pouvoir à son mari nonagénaire, Grace Mugabe commence à lui voler la vedette. Il y a longtemps que « the First shopper » – la first lady spécialiste du shopping – mérite le prix d’interprétation féminine de la politique africaine, dans la catégorie « conjointe et plus si affinités ». Si ses prestations remarquées bénéficient de son statut de « moitié », elle sait ajouter, dans sa vie publique, le sel dramaturgique qui convient ; notamment une bonne dose de rebondissements en ce qui concerne sa position vis-à-vis de la longévité présidentielle de Robert Mugabe, 93 ans sur terre, dont 37 au sommet du pouvoir.
Vendredi dernier, la première dame du Zimbabwe assurait ainsi à ses partisans que « Dieu veut encore Mugabe au pouvoir». Pourquoi s’étonner de cette foi de charbonnière, puisque qu’avant d’invoquer le Tout-Puissant, elle entendait mobiliser la vie après la mort ? Ainsi, en février dernier, elle exprimait sa certitude que, même mort, son mari serait confortablement réélu à la présidence…
Le choix d’un dauphin
Si la nouvelle déclaration de la first lady interpelle, c’est que, fin juillet, elle exhortait son mari à désigner un dauphin. De dauphin, le vieux Bob n’en aurait pourtant cure. Il a depuis longtemps annoncé qu’il briguerait un nouveau mandat en 2018, puisqu’il entendait gouverner jusqu’à l’âge de 100 ans. Pourquoi la pensée de celle que l’on surnomme “Disgrâce” ressemble-t-elle alors à la valse d’une girouette ? Peut-être ses récentes péripéties dans l’Afrique du Sud voisine n’y sont-elles pas étrangères.
Soupçonnée d’avoir frappé une jeune femme avec une prise électrique, à Johannesburg, le 13 août dernier, Grace Mugabe n’aurait pu quitter le pays sans encombre s’il ne lui avait pas été octroyée l’immunité diplomatique. Qu’il est donc confortable d’évoluer dans le sillage politique de son époux. Il reste à déterminer la stratégie pour en profiter pleinement et le plus longtemps possible. Et c’est là que la girouette tourne au gré des souffles du dilemme : succéder à Robert ou s’accrocher à son inamovibilité. Elle faisait peut-être un appel du pied public à son partenaire privé, quand elle réclamait la désignation d’un successeur. L’hypothèse d’une présidente Mugabe succédant à un président Mugabe n’est pas incongrue, Grace ayant depuis longtemps noyauté la ligue des femmes du Zanu-PF, antichambre du bureau politique du parti.
Grace affirme qu’elle a été « victime d’un coup monté dans le but de freiner » son « essor politique »
Pour l’heure, d’ailleurs, ses ambitions zimbabwéennes offrent à ses vicissitudes sud-africaines le ressort d’un scénario complotiste. Concernant le médiatique crêpage de chignons au pays de Jacob Zuma, elle affirme qu’elle a été « victime d’un coup monté dans le but de freiner » son « essor politique ». Ce coup de frein fut-il à ce point efficace que Grace renonce à briguer la place de son mari et que, par conséquent, elle embauche Dieu comme directeur de campagne du Vieux Bob ? Ou au contraire, ne recule-t-elle dans ses ambitions que pour mieux faire sauter la concurrence électorale du vice-président Emmerson Mnangagwa ? En supposant que Robert Mugabe finisse un mandat obtenu en 2018, Grace pourrait s’installer à sa place à l’âge de 58 ans. En pariant qu’elle ait la même santé que son époux, de 41 ans son aîné, elle pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2064…
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