Le « refoulement à chaud » entre l’Espagne et le Maroc est une « violation des lois internationales »

Sept femmes africaines ont été tuées la semaine dernière après une opération de « refoulement à chaud », au large de Mellila : les garde-côtes espagnols bloquait le zodiac à bord duquel elles se trouvaient, déclenchant la panique à bord. Les ONG dénoncent cette pratique qui viole les lois internationales.

Des migrants clandestins aux baords de Ceuta le 17 février 2017. © Jesus Moron/AP/SIPA

Des migrants clandestins aux baords de Ceuta le 17 février 2017. © Jesus Moron/AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 7 septembre 2017 Lecture : 4 minutes.

« Ce n’est pas normal. On a banalisé une pratique qui n’est pas légale ! », tonne Helena Maleno, membre de l’association espagnole Caminando Fronteras pour les droits des migrants. Cette fois-ci, « c’en est trop ! ».  Sept femmes de nationalité congolaise et guinéenne sont mortes, jeudi 31 août, suite à une opération de « refoulement à chaud », une pratique répandue chez les gardes côtes espagnols et marocains et qui consiste à renvoyer les migrants qui tentent de franchir la frontière espagnole sans étudier leurs cas. Une pratique en totale violation des lois européennes sur le droit d’asile et le principe du non-refoulement.

« Les gardes espagnols ne prennent pas la peine de voir s’il y a des migrants qui sont demandeurs d’asile ou nécessitant une aide humanitaire. Même les mineurs, pourtant protégés par les lois internationales, sont immédiatement refoulés », dénonce Helena Maleno.

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Selon les témoignages des survivants, les sept victimes étaient à bord d’un zodiac, avec 45 personnes à bord, arrivées le jeudi 31 août tout près d’une plage de l’enclave espagnole de Melilla, dans le nord du Maroc. La Guardia civile espagnole les a détectées. « Normalement, en vertu des lois sur la sécurité maritime, ces migrants devaient être sauvés car leur vie était en danger dans cette embarcation de fortune », explique Helena Maleno. Mais au lieu d’avertir les services de sauvetage espagnol, le Salvamento maritimo, la Guardia civil aurait essayé de les bloquer en attendant que les Marocains viennent les refouler.

En désespoir de cause, quelques migrants se sont alors jetés à l’eau pour essayer de gagner la plage à la nage. Certaines ont été recueillies par la Guardia civil, les autres par la Marine marocaine. « Cette dernière, raconte toujours Helena Maleno, a essayé de remorquer l’embarcation à l’aide d’une corde pour la ramener au Maroc. C’est là que le zodiac a chaviré et que les 7 femmes [quatre ressortissantes de la RD Congo, une du Congo-Brazzaville et deux de la Guinée-Conackry) ont trouvé la mort ».

Pour déterminer les responsabilités, l’association Médecins du monde a demandé au gouvernement espagnol d’ouvrir une enquête. « Nous avons aussi demandé la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour réviser la loi espagnole autorisant le refoulement à chaud qui est en totale violation des lois internationales », déclare Carlos Artund, porte-parole de Médecins du monde en Espagne.

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Un quotidien qui fait froid au dos

Le « rejet à la frontière » ou « refoulement à chaud » est une pratique qui se fait presque tous les jours sur la frontière entre le Maroc et l’Espagne, que ce soit en mer ou sur les grillages de Ceuta et Mellila. Elle est de plus en plus dénoncée par les ONG en raison de sa contradiction avec les législations européennes. Le « refoulement à chaud » a été légalisé en Espagne en mars 2015, dans le sillage des contestations sociales qui ont secoué le gouvernement de Mariano Rajoy.

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Appelée « loi de sécurité citoyenne » – mais qualifiée de « loi bâillon » par ses détracteurs, en raison des nombreux entraves qu’elle a instauré pour les mouvements sociaux –  ce texte a autorisé les forces de l’ordre présentes dans les enclaves de Ceuta et Melilla à repousser les étrangers lorsqu’ils tentent de franchir les frontières de manière irrégulière. Or, ce renvoi systématique se pratique en violation des lois européennes sur les droits fondamentaux et le principe du non-refoulement.

Le Conseil de l’Europe et les ONG espagnoles et internationales se sont publiquement inquiétés des dérives que pourraient engendre cette loi. « Comme l’a montré l’exemple des sept femmes africaines mortes en mer, les autorités marocaine et espagnole pratiquent le refoulement à chaud sans même se soucier du droit à la vie », martèle Helena Maleno.

Le rapport 2016 de l’ONG Caminando Fronteras rapporte des témoignages qui font froid au dos. Des migrants ayant assisté à la noyade de leurs collègues devant le regard impassible des gardes espagnols et marocains, d’autres implorant l’asile du haut des clôtures qu’il ont escaladées sans qu’on ne les écoute.  « Très fatigué et blessé, je suis descendu de la clôture, j’ai regardé vers le garde et lui ai dit que j’avais 14 ans. Il m’a pris tranquillement et m’a livré aux forces auxiliaires marocaines », raconte Brahim, un Ivoirien.

Assauts massifs

Chaque année, des milliers de migrants tentent de franchir les grillages de six mètres de haut qui séparent le Maroc des enclaves espagnoles. Les gardes espagnols tentent de les faire descendre ou attendent que la fatigue ne vienne à bout de leur force et qu’ils se livrent d’eux-mêmes, pour aussitôt les acheminer vers leurs homologues marocains.

Dans cette affaire, le Maroc n’est pas exempt de reproches. Plusieurs ONG ont déploré le rôle des autorités marocaines dans ces refoulements jugés illégaux. Et pour cause : lorsque les migrants arrivent à rentrer dans les enclaves espagnoles, ces dernières acceptent de recevoir les migrants qui leur sont remis par les Espagnols en violation du droit international.

L’Espagne est l’un des pays d’Europe pointé du doigt par les ONG, notamment Amnesty international, pour ses expulsions de migrants pratiquées au mépris des lois internationales. La Hongrie et la Bulgarie, au sein de l’Union européenne, et la Turquie, sont aussi concernées.

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