Fadel Ndiamé: « L’apport des producteurs familiaux est inestimable pour les économies africaines »

Le sénégalais Fadel Ndiamé dirige le bureau régional basé à Accra ( Ghana) de l’Association pour la révolution verte en Afrique. Il répond aux questions de JA, à l’occasion du 7ème Forum sur la révolution verte en Afrique (AGRF) qui se focalise sur l’accélération de la prospérité dans l’agriculture en Afrique subsaharienne.

 © Muriel Devey Malu Malu pour JA

© Muriel Devey Malu Malu pour JA

Publié le 8 septembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Le rapport 2017 sur l’état de l’agriculture dresse un bilan mitigé avec, d’un côté, des progrès lents en matière de sécurité alimentaire et, de l’autre, de petits exploitants qui se muent de plus en plus en hommes d’affaires. Comment expliquez vous ce paradoxe africain?

Fadel Ndiamé : L’objectif de ce rapport produit par Agra est d’apprécier les progrès accomplis et de relever les défis. Il faut reconnaître que les petits producteurs produisent la majorité de la nourriture consommée en Afrique. Quelques que soit le niveau de considération, ils sont d’un apport inestimable dans les économies de nos pays. C’est un secteur colossal.

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Mais nous disons à travers ce rapport qu’il y a un potentiel énorme et des marges de progression importantes en termes d’amélioration de la productivité et d’organisation. Par exemple, là où les producteurs familiaux africains récoltent 500 kg de maïs à l’hectare, et en Europe, on atteint des rendements de 5 voire 7 tonnes à l’hectare.

Ce décalage est dû essentiellement au fait que nos paysans n’ont pas accès aux intrants et aux engrais de qualité. Nous insistons sur la nécessité d’élaborer des politiques agricoles cohérentes pour doper la productivité. L’Afrique de l’Ouest continue d’importer du riz à coup de milliards de dollars. Or, nous avons les terres, les technologies et le savoir-faire pour produire localement.

Malgré les chiffres alarmants auxquels vous faites allusion, je pense que ce rapport indique que nous pouvons faire mieux en créant les conditions d’appui à la petite production agricole. La construction d’une économie inclusive, qui permet de donner de l’emploi aux jeunes et de rémunérer le travail des femmes, passera par l’appui à l’exploitation familiale.

Quels leviers faut-il actionner pour accélérer la transformation de l’agriculture?

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Évidement, il y a des leviers politiques. Il va falloir se mettre en conformité avec les décisions politiques en matière d’appui à l’agriculture, d’accès au financement et aux infrastructures. Mais, si nous accroissons le rendement à l’hectare à 3 tonnes et que nous perdons 30 % de cette récolte, ce progrès n’aura servi à rien. Ces pertes sont dues au fait que les producteurs ne peuvent stocker, transporter ou transformer leurs produits.

Un gap existe souvent entre les décisions et leurs mises en oeuvre qu’il faut combler

Il faut donc une série de mesures cohérentes incluant les pistes rurales, l’amélioration des systèmes d’irrigation et des politiques commerciales dans les pays. Ces mesures figurent en partie dans nos textes, dans la région d’Afrique de l’ouest. Malheureusement, un gap existe souvent entre les décisions et leurs mises en oeuvre qu’il faut combler.

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Quelles sont les besoins de financement de l’agriculture en Afrique ?

Les besoins dépendent des ambitions. Lors de la réunion de Nairobi, les partenaires ont promis 30 milliards de dollars. C’est un engagement significatif, qui nous permet de maintenir le momentum sur l’agriculture.

Pour vous donner une idée, sur la base de l’expérience d’Agra au cours des dix dernières années, nous avons injecté 500 millions de dollars US pour soutenir les petits producteurs dans une douzaine de pays. Nous voulions créer un modèle qui peut être dupliqué. Pour les cinq prochaines années, nous avons l’ambition d’investir encore le même montant dans onze pays pour in fine doubler le revenu de 30 millions d’exploitations familiales.

Comment expliquez-vous que, près de quinze ans après les engagements de Malabo, les résultats tardent à suivre ?

Je crois qu’il faut nuancer le tableau. Vous constaterez que les pays qui ont alloué le plus de ressources à l’agriculture – comme le Rwanda, l’Éthiopie, le Mali, le Burkina, le Kenya -, ont eu des gains plus importants que ceux qui ne l’ont pas fait. L’exemple du Burkina, pays enclavé, est épatant. Les producteurs burkinabè exportent des fruits et des légumes au Ghana. Les pays qui ont eu la pratique vertueuse d’accorder la priorité à l’agriculture en récoltent les fruits aujourd’hui, alors que ceux qui avaient fondé leur stratégie sur les rentes pétrolières se mordent la main. À l’étape actuelle, nous savons ce qui marche. Aux États de passer à l’action.

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