Sénégal : ambiance empoisonnée au procès de Karim Wade

Les quatre premières journées d’audience du procès de Karim Wade devant la CREI ont donné lieu à une bataille rangées entre magistrats et avocats, qui ont multiplié les coup en dessous de la ceinture…

Karim Wade à son domicile en avril 2013. © AFP

Karim Wade à son domicile en avril 2013. © AFP

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Publié le 8 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Alors que le procès de Karim Wade devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) vient d’être ajourné jusqu’au 18 août – le temps que la Cour délibère sur l’exception d’incompétence soulevée par la défense –, la presse sénégalaise est unanime à considérer que l’affrontement judiciaire entre les parties vire au déballage incontrôlé.

Flèches empoisonnées entre avocats de la défense et leurs confrères défendant les intérêts de l’État du Sénégal ; échanges d’amabilités entre les avocats de Karim Wade ou de Bibo Bourgi et le procureur Alioune Ndao ou le président de la Cour, Henri Grégoire Diop… Avant même que les débats ne se penchent le fond du dossier, le climat s’annonce délétère entre les protagonistes d’un procès que le président Macky Sall, depuis Washington, annonçait pourtant "exemplaire".

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En venir presque aux mains

"Une audience de déballage", titrait Libération jeudi, au lendemain de la quatrième audience. "Cour de caniveau", surenchérissait L’Obs. "Au prétoire des chiffonniers", ironisait Le Quotidien… Et ainsi de suite, depuis quelques jours, à la une de la quasi-totalité des quotidiens. Dès la première audience, le 31 juillet, après un échange pimenté avec le président de la cour, l’un des avocats de l’homme d’affaires Bibo Bourgi avait failli en venir aux mains, à la barre, avec l’un des avocats de l’État du Sénégal. Le second avait en effet évoqué de manière suspicieuse le certificat médical produit par le premier pour justifier l’absence de son client, actuellement hospitalisé.

L’état de santé de Bibo Bourgi, considéré par la CREI comme le principal complice de Karim Wade, a depuis donné lieu à d’autres piques de la part des avocats du Sénégal, notamment dans la bouche de Me El Hadji Diouf, coutumier des provocations de prétoire. "Des MST, des infections urinaires, on en trouve partout", a-t-il ainsi déclaré à la barre. Sachant que Bibo Bourgi souffre d’une grave cardiopathie, récemment aggravée par des complications rénales et une maladie nosocomiale, l’allusion à une maladie sexuellement transmissible avait de quoi faire bouillir la défense.

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Au lendemain du week-end, c’est cette fois le ténor parisien William Bourdon qui allait faire grincer les dents des "Karimistes" en faisant référence, lors d’une plaidoirie, au procès Milosevic: "C’est cela le procédé des criminels de sang ou d’argent: ils contestent toujours la légitimité des juges. Ils contestent, et après ils inversent les choses; d’accusés, ils deviennent accusateurs et victimes."  

Son compère Yerim Thiam allait de son côté affubler Karim Wade – qui prétexte avoir reçu de son père une partie de son patrimoine – du surnom “Papa-m’a-donné”, allusion à celui de Jean-Christophe Mitterrand lorsqu’il dirigeait la cellule africaine de l’Elysée : “Papa-m’a-dit”. Une saillie que Me El Hadj Amadou Sall, avocat de Karim Wade, allait lui retourner en rappelant que Macky Sall avait reconnu avoir reçu, du temps de leur compagnonnage, de l’argent du président Abdoulaye Wade. “Si Macky a pu dire ‘Tonton-m’a-donné’, pourquoi Karim ne dirait-il pas ‘Papa m’a donné’?”.

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À la quatrième audience, on vit le procureur spécial Alioune Ndao prendre la mouche après avoir été pris à partie par l’un des avocats de Karim Wade, Me Mohamed Seydou Diagne: "Avant l’ouverture de ce procès, vous étiez couvert de dettes, lancera-t-il à l’adresse de l’avocat. Vous faisiez l’objet de plaintes pour abus de confiance et escroquerie. J’ai même reçu une plainte vous concernant." Une accusation ad hominem qui provoquera un début d’incendie que l’ancien bâtonnier Yerim Thiam, avocat de l’Etat, s’efforcera d’éteindre. Le même Yerim Thiam sera quant à lui fustigé par la défense pour sa présumée "transhumance", après avoir été, dans une autre vie, l’avocat d’Abdoulaye Wade. Ce dont l’intéressé se justifiera en affirmant qu’il avait défendu Abdoulaye Wade avant l’assassinat de l’ancien vice-président du Conseil constitutionnel, Babacar Seye, en 1993, et la tentative d’assassinat contre l’homme politique Talla Sylla en 2003. Deux affaires dans lesquelles certains avaient voulu voir l’implication de l’ancien président. 

Dès l’ouverture du procès, le président Henri Grégoire Diop avait laissé la parole au bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Ameth Ba, qui avait lancé à ses confrères un appel à la responsabilité, les invitant à “éviter les excès, la provocation stérile et le souci de se donner en spectacle”. Il semble qu’il n’ait pas été entendu.

Mehdi Ba, à Dakar

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