Casques bleus : abus sexuels et abstinence disciplinaire
Double peine pour les réfugiées de la crise centrafricaine : dans les camps, les femmes seraient victimes de violences sexuelles. Comme sur d’autres théâtres d’opération, des soldats chargés du maintien de la paix en seraient parfois les auteurs. Sont-ils sanctionnés ?
À quel saint se vouer ? Timorées en termes de capacité d’intervention militaire, les forces internationales de maintien de la paix ne rassurent souvent que peu. Elles inquiètent parfois. Quand un Haïtien ne subodore pas une souche du choléra sous un casque bleuté, c’est une Africaine qui voit sous un casque vert un violeur en puissance. Il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain géopolitique. Les troupes de maintien de la paix ne sont pas des hordes de prédateurs sexuels. Pourtant…
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En ce mois d’août, c’est la MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), héritière de la FOMAC (Force multinationale de l’Afrique centrale), qui fait l’objet d’accusations. Des déplacées du camp de Bambari indiquent qu’elles auraient été victimes de harcèlement sexuel de la part de militaires entrés nuitamment dans les huttes des réfugiés. Les enquêtes pourront-elles distinguer les viols de la prostitution du désespoir, certains témoignages évoquant un consentement "pour avoir de quoi manger et de quoi s’habiller" ? D’ailleurs, peut-on toujours distinguer l’échange de tendresse tarifé de l’abus d’aura d’un “grand quelqu’un” aux galons internationaux et clinquants ? Pot de fer contre pot de terre…
Au-delà de ces cas centrafricains noyés dans l’imbroglio politico-sécuritaire ambiant, les accusations d’abus sexuel escortent les interventions internationales comme des queues de comète. En septembre 2013, une femme portait plainte contre des militaires tchadiens de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Des documents de presse de l’ONU évoqueront des "abus sexuels" et une "mauvaise conduite" à Gao, une ville du nord-est du Mali.
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Deux ans plus tôt, un câble diplomatique de janvier 2010 émergeait sur le site WikiLeaks. C’est dans les environs de la région ivoirienne de Toulepleu que des casques bleus béninois avaient été soupçonnés de dérapage à caractère sexuel, qui plus est sur une dizaine de mineurs à qui auraient été promis "de la nourriture" ou "un toit". Dans le même pays, d’autres cas ont été rapportés à Bouaké, cette fois avec des soldats onusiens d’origine marocaine. Ailleurs, mais toujours dans le cadre de forces de maintien de la paix, d’autres scandales avaient éclaté, de la République démocratique du Congo au Cambodge.
Difficile d’anticiper tous ces cas, tant les interventions sont vastes, tant les origines des soldats de la paix sont variées et tant les terrains d’intervention sont chaotiques. Il reste à ne pas laisser la tentation du tabou provoquer des abcès d’opinion. Quand bien même les dérapages seraient rares, l’effet de l’impunité serait dévastateur. La loi du silence doit faire place aux sanctions. Du côté de l’ONU, on réaffirmait récemment qu’était appliquée une politique de tolérance zéro concernant les abus et l’exploitation à caractère sexuel. On indiquait que "des dizaines de Casques bleus impliqués étaient sanctionnés et punis" pour ce type d’infraction.
Concernant le cas ivoirien, après une enquête de plusieurs mois, 16 commandants et soldats béninois furent rapatriés et exclus des rangs des Casques bleus. Exclus sans poursuite ? Le Département de l’appui aux missions prévoit des sanctions qui vont du départ à la retraite forcée, à l’annulation de la mission du Casque bleu, jusqu’à des peines d’emprisonnement à durée variable en passant par le licenciement pour faute. L’actuel secrétaire général de l’ONU appelle les pays contributeurs de troupes à mettre en place leurs propres mesures disciplinaires. C’est ce que fit Ban Ki-moon lorsque qu’une trentaine de Casques bleus indiens furent soupçonnés d’avoir commis des abus sexuels en RDC, notamment sur des mineures. En 2009, faute de preuves tangibles, l’armée indienne acquitta les suspects…
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Damien Glez
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