France : un squat incendié, 200 migrants africains à la rue réclament un logement
Environ 200 personnes, principalement originaires du Mali, vivent depuis samedi dernier dans un campement de fortune installé devant l’Hôtel de ville de Bagnolet, en région parisienne. Le squat dans lequel ils résidaient auparavant avait pris feu la veille au soir. Depuis, l’accès au bâtiment est condamné et aucune solution ne pointe à l’horizon. Reportage.
Abrités sous une bache bleue, assis sur un muret, allongés sur des cartons ou sur un matelas, des migrants africains en provenance de Libye attendent que la mairie de Bagnolet leur propose une solution de relogement. Autour des tentes improvisées, vêtements et autres effets personnels sont entassés dans des cabas, des sacs poubelles ou des caddies de supermarché.
Originaires du Mali, du Sénégal, du Burkina Faso, de Guinée ou encore de Côte d’Ivoire, ces migrants sont rassemblés au sein du "collectif Bara". Un nom qui provient du foyer malien situé rue Bara à Montreuil, leur premier point de chute après leur arrivée en France. Ils ont fuit la Libye à cause des exactions menées contre les populations noires, assimilées aux anciens mercenaires de Kadhafi, depuis la chute du régime.
>> Lire aussi : Racisme – Les populations noires, boucs émissaires des milices
“Exclus du foyer Bara qui était plein comme un oeuf, ils ont été hébergés dans d’autres foyers de travailleurs à Montreuil, mais ça n’a duré qu’un temps”, explique le porte-parole de l’association Droit au logement (DAL), Jean-Baptiste Eyraud. “De plus en plus nombreux, ils ont ensuite galéré, ont dormi dans le métro, etc.” jusqu’à leur installation dans les bureaux vides de l’entreprise Emerson Network Power à Bagnolet.
Le campement de fortune installé par les migrants devant la mairie de Bagnolet depuis samedi 2 juillet. (©JA/MF)
Depuis 10 mois, ils étaient près de 200 à vivre dans ces locaux inutilisés, tout près de la ville de Montreuil. Solidaires, les "squatteurs", qui dormaient au minimum à cinq par pièce, s’étaient organisés entre eux. Ils recevaient également l’aide d’associations ou de particuliers qui leur apportaient de la nourriture.
Jean-Baptiste Eyraud estime que les squats de migrants en région parisienne ne sont pas très fréquents. "Il y a entre 100 et 200 squats, mais la plupart sont occupés par des artistes, des jeunes ou des familles en difficulté, mais pas tant que ça par des migrants", précise-t-il.
"Expulsion déguisée"
Menacés d’expulsion à plusieurs reprises, ils avaient réussi à rester dans le lieu jusqu’au vendredi 1er août. Dans la soirée, un incendie, apparemment d’origine criminelle (on parle d’un acte de vengeance passionnelle), provoque l’intervention des pompiers puis des forces de l’ordre qui bloquent l’accès au bâtiment. Les policiers laissent tout de même les résidents récupérer leurs affaires avant d’en interdire totalement l’entrée. Pour Jean-Baptiste Eyraud, le porte-parole de DAL, il s’agit d’une "expulsion déguisée".
Samedi 2 juillet, les migrants ont élu domicile sur le parvis de l’Hôtel de ville, espérant ainsi contraindre la mairie à trouver une solution. "On ne sait pas où aller", déclare Drissa Doumbia, le porte-parole des Baras. Ce Malien de 28 ans a fui la Libye après la mort du colonel Kadhafi. Là-bas, Drissa Doumbia affirme qu’il avait une bonne situation. "Jamais je ne pensais venir un jour en Europe. En Libye, j’étais salarié, chauffeur-livreur, pendant 7 ans. Je vivais avec ma famille, payais un loyer, les taxes, etc. et mes enfants étaient scolarisés", raconte-t-il.
En France, déplore Doumbia, la vie est dure à cause du manque de travail stable pour les personnes en situation irrégulière. "On veut vivre comme tout le monde. On veut travailler mais on n’a pas de papiers", fait-il valoir.
Pas de relogement en perspective
Les Baras demandent donc aux autorités un relogement mais aussi une régularisation de leur situation. Deux revendications que la mairie ne semble pas en mesure de satisfaire. Dans un communiqué, daté du 4 août, elle se dit dans l’incapacité de venir en aide aux sans-papiers. "Aujourd’hui, la ville de Bagnolet, qui compte plus de 3 000 demandeurs de logements sociaux ne peut ni reloger l’ensemble des personnes concernées, ni leur proposer, faute de moyen, un hébergement dans un équipement municipal.”
200 migrants ont vécu pendant 10 mois dans les locaux inutilisés de l’entreprise Emerson Network Power à Bagnolet.
(©JA/MF)
L’association Droit au logement dénonce dans cette affaire un "non-respect du droit d’hébergement", alors qu’une loi à ce sujet existe depuis 2007. Le porte-parole Jean-Baptiste Eyraud explique que, légalement, cette responsabilité n’incombe pas au maire mais au préfet. "Mais certains maires interviennent par solidarité. Ce fut le cas par le passé à Montreuil, Cachan et Saint-Denis par exemple", précise-t-il.
La solution pourrait être la réquisition d’un bâtiment, ce qui arrive très rarement, ou le placement en foyer, des établissements saturés en région parisienne. De leur côté, les Baras rêvent qu’on leur attribue un local où créer un "foyer autogéré", à l’image du "foyer du centenaire" à Montreuil.
____________
Par Maina Fauliot
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Affaire Baltasar en Guinée équatoriale : règlements de comptes chez les Obiang
- Afrique, Europe, États-Unis… Khalida Azbane, l’héritière marocaine qui diffuse sa ...
- Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga limogé après ses propos critiques contr...
- Franc-maçonnerie : l’ombre d’Ali Bongo Ondimba sur la Grande Loge du Gabon
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour 435 millions de d...