Nigeria : une jeune fille de 14 ans mariée de force puis jugée pour le meurtre de son époux

Un tribunal du nord du Nigeria a reporté lundi le procès d’une adolescente de 14 ans accusée d’avoir empoisonné un homme qu’elle avait été contrainte d’épouser. Une affaire qui illustre l’influence croissante de la loi islamique mais aussi les failles du système judiciaire : contrairement au code pénal, la jeune fille désormais mariée pourrait ne pas être jugée devant un tribunal pour enfants.

Procès pour meurtre d’une adolescente mariée de force. © AFP

Procès pour meurtre d’une adolescente mariée de force. © AFP

Publié le 5 août 2014 Lecture : 2 minutes.

Wasila Tasi’u, 14 ans, devait comparaître lundi 4 août devant le tribunal de Gezawa, dans l’État de Kano (nord). "Wasila devait comparaître aujourd’hui", mais le procès a été reporté sine die en raison d’un retard provoqué par une grève du personnel judiciaire, a indiqué Salisu Yakubu, du tribunal de Gezawa. L’adolescente est accusée d’avoir empoisonné Umaru Sani, un homme de 35 ans avec qui elle a été mariée de force une semaine avant le meurtre. Le 9 avril, au cours de la réception organisée pour son mariage dans le village d’Unguwar Yansoro, à une soixantaine de kilomètres de Kano, elle aurait mélangé la mort-aux-rats à la nourriture qu’elle avait préparée et servie, selon la police.

La jeune fille est également accusée du meurtre de trois autres convives, eux aussi empoisonnés. "Elle l’a fait parce qu’elle a été forcée par ses parents à épouser un homme qu’elle n’aimait pas", a déclaré le porte-parole de la police de l’État de Kano, Musa Magaji Majia. L’avocate de l’adolescente, Hussaina Aliyu, estime que les "aveux" de Wasila Tasi’u ne sont pas recevables, l’accusée ayant, selon elle, été interrogée par la police sans la présence d’un parent ou d’un avocat. Elle a par ailleurs demandé en vain la comparution de la jeune fille devant un tribunal pour enfants.

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Pour Me Hussaina Aliyu, le cas de Wasila ne doit donc pas se transformer en référendum sur le mariage des très jeunes filles dans une société musulmane. La question principale est bien qu’une mineure accusée de crime doit être jugée par un tribunal pour enfants. Jiti Ogunye, autre défenseur des droits de l’Homme, confirme qu’"une fille de 14 ans ne peut pas subir un procès, selon le code pénal. Cette affaire ne fait qu’ajouter à la mauvaise réputation [du] pays aux yeux de la communauté internationale". Il appele les autorités de Kano à abandonner immédiatement les charges contre la jeune accusée, qu’il a qualifiée de "victime".

Un système juridique hybride

Le cas de Wasila Tasi’u met égalemnt en lumière un système juridique hybride dans le nord du Nigeria, où charia et code pénal cohabitent. La loi islamique en vigueur depuis 2000 dans la région de Kano n’interdit pas le mariage de filles très jeunes si elles sont pubères. L’union de ces dernières avec des hommes d’âge mûr est très répandue dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman, en particulier dans les zones rurales pauvres. Et selon la législation fédérale sur le mariage, qui s’applique dans tout le pays, une jeune femme de moins de 21 ans ne peut se marier qu’avec le consentement de ses parents.

Or avec ce consentement, il n’y a plus d’âge minimum pour le mariage d’une jeune fille, y compris dans le Sud majoritairement chrétien, "ce qui est très, très malheureux", selon le défenseur des droits de l’Homme Festus Keyamo. La question du mariage des enfants revient régulièrement dans l’actualité nigériane. Elle avait notamment fait l’objet de vifs débats l’année écoulée, après la proposition d’un député du Nord de permettre à toute jeune fille, quel que soit son âge, d’être considérée comme adulte aux yeux de la loi une fois mariée.

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(Avec AFP)

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