RDC : l’annonce de l’invalidation des passeports semi-biométriques crée la polémique
Dans un communiqué officiel rendu public vendredi, le gouvernement de la RDC a annoncé que les passeports semi-biométriques ne seront plus valables sur le territoire national à partir du 16 octobre. Une décision qui prend tout le monde de court. Explications.
« C’est un coup de fil d’un compatriote qui m’a alerté. Il m’a appelé tôt ce matin pour vérifier de l’authenticité du communiqué qui circule. Je n’étais au courant de rien », confie un cadre au ministère congolais des Affaires Étrangères. Après vérification, la rumeur se confirme. Le gouvernement congolais a bien décidé de mettre fin à la validité des passeports « semi-biométriques ».
« À dater du 16 octobre 2017, les anciens passeports congolais semi-biométriques encore en circulation n’auront plus cours légal sur toute l’étendue de la RDC », indique dans le document Agée Matembo Toto, vice-ministre des Affaires étrangères. Le texte prévient que « les détenteurs de ces passeports ne pourront plus être autorisés à franchir la frontière tant à l’entrée qu’à la sortie du territoire national ».
Agée Matembo Toto qui signe cette décision au nom du vice-Premier ministre Léonard She Okitundu « en mission », précise également dans son communiqué que les passeports ainsi invalidés seront « retirés » à leurs détenteurs à tous les postes frontaliers « contre remise d’une photocopie qui leur permettra de solliciter le nouveau passeport biométrique ».
Passeportgate, 2ème épisode ?
Cinq mois plus tôt, un scandale était révélé autour de ce même passeport biométrique. Officiellement, son prix s’élève à 185 dollars. Mais, en réalité, pour avoir ce précieux sésame, les Congolais déboursent 260 dollars, frais bancaires compris.
Selon une enquête de Reuters, le gouvernement congolais récolterait à peine 65 dollars de cette somme. L’essentiel de l’argent irait à Semlex, une entreprise basée en Belgique et qui produit les documents de voyage, ainsi qu’à LRPS, une autre petite compagnie basée à Ras Al Khaimah, aux Émirats arabes unis, et détenue par Makie Makolo Wangoi… une proche du président Kabila.
À en croire les autorités congolaises, la mesure ne serait motivée que par « l’impératif d’uniformiser l’identification des citoyens congolais lié à des considérations sécuritaires »
Il s’agirait en fait, selon plusieurs sources, d’une des nombreuses sœurs du président Kabila : elle est d’ailleurs présentée comme telle dans la longue enquête que l’agence Bloomberg consacrait au poids de la famille Kabila en décembre dernier. Selon d’autres sources, il pourrait s’agir plutôt d’une nièce du président.
Une double question se pose : la décision d’invalider brusquement les passeports semi-biométriques viserait-elle à renflouer les caisses de l’État en cette période de crise économique qui frappe le pays de plein fouet ? Ou s’agit-il d’une opération consistant à renflouer les poches de cette filière de fabrication de l’un des documents de voyage les plus chers du monde ? À en croire les autorités congolaises, la mesure ne serait motivée que par « l’impératif d’uniformiser l’identification des citoyens congolais lié à des considérations sécuritaires ».
Des passeports invalidés avant leur échéance
Pas suffisant pour rassurer le député Juvénal Munubo Mubi. Au lendemain de la publication du communiqué, l’élu de Walikale, dans le Nord-Kivu, a déposé une « question orale avec débat » au bureau de l’Assemblée nationale.
#RDC #Dossier passeports Je viens de déposer une question orale avec débat adressée au VPM Aff.Etrang @DiplomatieRdc pic.twitter.com/18ekVQ5oPn
— Juvénal MUNUBO (@juvenalmunubo) September 16, 2017
Dans sa correspondance adressée à Léonard She Okitundu, vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères, et dont Jeune Afrique a pu consulter une copie, Juvénal Munubo dénonce une mesure prise « à la surprise générale » qui « porte déjà préjudice à de nombreux compatriotes désireux de voyager et dont les conditions sociales actuelles ne permettent pas de se procurer les nouveaux passeports ».
Ce cadre de l’Union pour la nation congolaise (UNC), parti de Vital Kamerhe, demande au chef de la diplomatie congolaise « la motivation profonde » de ce qu’il qualifie d’ « interruption brusque » de la validité des passeports semi-biométriques. D’autant que, rappelle-t-il, ces derniers « ont été délivrés d’avril 2009 à décembre 2015 » et que « ceux obtenus à la fin décembre 2015 devraient juridiquement expirés en 2020 ».
Décision de la présidence de la République
Selon une source diplomatique congolaise, cette décision émanerait directement de la présidence de la République. Toutes les demandes de l’exécutif tendant à obtenir un délai beaucoup plus long avant l’invalidation – « au moins jusqu’à janvier 2018 » – ont ainsi été rejetées. Une circonstance qui pourrait susciter davantage d’interrogations sur le bien-fondé réel de la mesure.
En attendant, Juvénal Munubo, lui, profite de cette nouvelle controverse pour demander au gouvernement de fournir enfin des explications claires notamment sur la manière dont sont perçues les recettes provenant de la délivrance des passeports. Décidément, le feuilleton « Passeportgate en RDC » est encore loin de connaître son épilogue.
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