Ouganda : la ministre de la Santé en mode infiltration
La ministre ougandaise de la Santé s’est déguisée en patiente pour prendre des agents en flagrant délit de corruption. Démarche salvatrice, coup d’épée dans l’eau ou coup de pub personnel ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 19 septembre 2017 Lecture : 2 minutes.
Les petites ou grandes incivilités professionnelles sont difficiles à éradiquer, la chaîne de contrôle étant souvent rouillée. Le subordonné pratique l’absentéisme ou la corruption en se disant que son « petit chef » ne le dénoncera pas au « moyen chef », pour la bonne et simple raison que celui-ci veut protéger ses propres entorses au règlement. Et ainsi de suite, du « grand-moyen chef » jusqu’au sommet de la hiérarchie. Seule solution pour empêcher la propagation de cette gangrène : avoir un leader intègre – nouvellement nommé, bien souvent – qui court-circuite la pyramide des complicités de proximité en pratiquant le flagrant délit. C’est ce que la ministre ougandaise de la Santé, Sarah Opendi, vient de réussir, en piégeant d’impudents corrompus dans un centre de santé.
Comme dans une émission de caméra cachée, prendre sur le vif suppose un minimum d’organisation. Le candide révolutionnaire Thomas Sankara, adepte du contrôle inopiné du port fonctionnaire de la cotonnade nationale, a pu constater qu’une telle opération était périlleuse lorsqu’elle était déployée à visage découvert. Les allergiques au « faso dan fani » – tenue surnommée ensuite « Sankara arrive » –, gardaient le vêtement dans leur tiroir et le portaient en urgence, dès que le président du Faso était annoncé en bas des escaliers. Pour éviter un « flag » téléphoné, Sarah Opendi a donc misé sur l’infiltration. Elle a opéré déguisée…
Félicitations et critiques
Le 15 septembre dernier, le membre du gouvernement débarque à l’hôpital de Naguru en boda-boda (moto-taxi). Couverte d’un hijab, la vraie-fausse patiente sollicite des soins censés être gratuits. Un médecin lui réclame 150 000 shillings (35 euros) pour des examens de laboratoire, tandis qu’une infirmière de la réception tente de la délester de 5 000 shillings pour un test de glycémie. Dans la foulée, les deux travailleurs piégés sont arrêtés par la police.
Si la démarche de la ministre suscite les félicitations de nombreux internautes qui s’identifient aux patients, elle n’est pas exempte de quelques critiques. Primo, comme le souligne d’ailleurs le directeur adjoint de l’hôpital, l’arbre de la corruption ne doit pas cacher la forêt de la sous-rémunération : les chantages aux soins seraient davantage la conséquence de la galère professionnelle que la cause de la misère sociale. Secundo, les happenings de politiciens seraient souvent des coups de pub personnels sans effet durable sur le phénomène de corruption. Tertio, chacun voyant midi à la porte de son lieu de culte, certains fervents musulmans jugent que Sarah Opendi aurait dû choisir un déguisement plus… laïc.
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