Tunisie : un Essebsi peut en cacher un autre

La récente et soudaine ascension de Hafedh Caïd Essebsi au sein de Nida Tounes, parti fondé par son propre père, suscite la grogne de nombreux cadres ou militants qui voient dans cette montée en puissance un risque pour les prochaines élections. Explications.

La proximité de Hafedh Caïd Essebsi avec d’ex-caciques du RCD ne passe pas à Nida Tounes. © DR

La proximité de Hafedh Caïd Essebsi avec d’ex-caciques du RCD ne passe pas à Nida Tounes. © DR

Publié le 4 août 2014 Lecture : 3 minutes.

Ses détracteurs le surnomment "W", en référence à George W. Bush, tant son parcours politique semble être lié à sa filiation. À 52 ans, le fils de Béji Caïd Essebsi (surnommé BCE) – ancien Premier ministre (en 2011) et fondateur, en 2012, du parti Nida Tounes -, ne s’est jamais illustré dans aucun débat ni meeting public. Son bref passage en 1988 au Parti social libéral ne suffit pas non plus à en faire un politicien aguerri. Hafedh Caïd Essebsi est pourtant aujourd’hui l’une des figures les plus en vue, et les plus controversées, du parti.

Sans rôle précis au sein de la formation pendant un temps, il a finalement été adoubé par son père, il y a un an, pour assurer la coordination de quatre structures régionales, fonction encadrée par le secrétaire général, Taïeb Baccouche. Et depuis le 24 avril dernier, sa montée en puissance est aussi concrète qu’inattendue. À cette date, il provoque une restructuration du parti afin, selon lui, de "limiter les frustrations et les tensions entre les différentes sensibilités politiques existantes à Nida Tounes".

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Pressenti tête de liste à Tunis 1

Il en profite pour prendre la tête d’une nouvelle direction en charge des structures régionales au sein du nouveau comité exécutif… une opération qui, selon les procédures du parti, aurait dû être effectuée par un congrès électif et non par le conseil national. Et qui lui permet aujourd’hui d’être, au détriment de personnalités majeures du parti comme Faouzi Elloumi, pressenti comme tête de liste aux élections législatives du 26 octobre 2014 sur l’importante circonscription de Tunis 1, fief islamiste.

Son inexpérience politique suscite une vague de protestations croissantes dans le parti.

Mais son inexpérience politique suscite une vague de protestations croissantes dans le parti. D’autant que Hafedh Caïd Essebsi, qui est PDG de l’entreprise Méditerranée Plastique et gérant de sociétés, est surtout propriétaire de la superette de La Soukra qui réalise le plus gros de son chiffre d’affaires avec la vente d’alcool. Fait normal sous d’autres cieux certes, mais que ne manqueront pas d’utiliser contre lui les islamistes d’Ennahdha, principaux challengers électoraux de Nida Tounes. Autre reproche adressé à "W" par ses détracteurs : sa proximité avec des caciques de l’ex-Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ancien parti de Ben Ali, qui ont rejoint le parti.

L’aile gauche de Nida Tounes l’accuse donc de vouloir favoriser le retour dans le jeu politique du camp des RCDistes mené par Mohamed Ghariani, conseiller de BCE et dernier secrétaire général du RCD, et par Raouf Khamassi, tous deux d’anciens familiers de Sakhr el-Materi, le gendre de Ben Ali. Ces liens avaient déjà alerté Noureddine Ben Ticha, membre du bureau exécutif de Nida Tounes, qui rappelle que Mohamed Ghariani a œuvré, en tant qu’ambassadeur au Royaume-Uni, au rapprochement de Materi avec Rached Ghannouchi, actuel président d’Ennahdha, alors en exil. Et Ben Ticha d’exhorter ses camarades "à se tenir loin de l’argent sale"…

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"Il faut leur barrer la route"

Une crainte du retour en force des cadres de l’ancien régime qui est partagée par de nombreux membres de Nida Tounes, dont Selim Ben Abdessalem, élu à l’Assemblée nationale constituante (ANC). "Il faut leur barrer la route. Nida Tounes a été créé pour la Tunisie, en aucun cas pour le retour du clan Ben Ali", accuse-t-il. Mais certains nuancent que, flatté par l’intérêt, parfois personnel, que lui témoignent d’anciens proches de Ben Ali, Hafedh Caïd Essebsi ne serait pas conscient d’être "instrumentalisé".

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Reste le reproche du favoritisme familial. À ce sujet, BCE s’est exprimé le 20 mai 2014 : "Mon fils est compétent et n’a aucun pouvoir au sein du parti, il est le moins influent parmi les dirigeants, mais je ne veux pas être injuste vis-à-vis de lui au motif qu’il est mon fils." Cette prévenance paternelle suffira-t-elle à rassurer ceux qui pensent que la fragilisation des équilibres politiques de Nida Tounes pourrait faire trébucher une formation donnée favorite aux prochaines élections par les sondages ?

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