« Winter Sleep » : les destinées humaines de Nuri Bilge Ceylan

Palme d’or 2014, le film du Turc Nuri Bilge Ceylan met à nu le caractère de ses personnages, criants de vérité, qui se posent des questions existentielles et dérisoires à la fois.

Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan, sort en France le 6 août. © VINCENT FOURNIER/J.A.

Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan, sort en France le 6 août. © VINCENT FOURNIER/J.A.

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Publié le 5 août 2014 Lecture : 2 minutes.

Depuis que Winter Sleep ("sommeil d’hiver") a reçu la Palme d’or à Cannes, en mai, Nuri Bilge Ceylan, 55 ans, dit se sentir "sur la lame d’un couteau". "Avec les nouveaux médias, comme Twitter, un mot mal interprété prend des proportions énormes.

Désormais, je suis moins libre de dire une bêtise", plaisante-t-il. Aucun risque que cela n’arrive : caché derrière des lunettes de soleil – mais exhibant son torse, chemise grande ouverte -, le réalisateur de Uzak et de Il était une fois en Anatolie (récompensés par un grand prix à Cannes, respectivement en 2003 et en 2011) est un mutique. Qu’importe : il parle à travers son oeuvre, et celle-ci dit tout de l’âme humaine.

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Cette fois encore, nous sommes dans les majestueux décors de l’Anatolie. Des personnages, rongés par l’ennui, passent leur temps à rêver à ce que pourrait être leur vie. En tout, trois heures quinze, qui, pour le spectateur, passent à la vitesse d’un songe. Cela tient à la magie de ces lieux tantôt écrasés de poussière, tantôt étouffant sous la neige, et aussi au fait que les personnages, avec leur jalousie, leur fatuité, leur altruisme de pacotille, leurs souffrances et leurs regrets, sont criants de vérité.

Drame shakespearien

Au centre de ce drame shakespearien en Cappadoce il y a Aydin, un ancien acteur qui, parce qu’il n’a pas eu la carrière espérée à Istanbul, tient un hôtel dans une bourgade troglodyte ; sa jolie femme, d’au moins vingt ans sa cadette ; et sa soeur, qui a échoué auprès d’eux après des déboires conjugaux. Pour tuer le temps, Aydin écrit des articles pour une feuille de chou locale, son épouse monte une association caritative, sa soeur leur reproche ses échecs…

Tous s’affrontent et se blessent par dialogues interposés, se posant des questions existentielles et dérisoires à la fois. Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Peut-on repartir de zéro ? "L’homme est une créature assez lâche. Plus il vieillit, plus il a peur car il a quelque chose à perdre", tranche le cinéaste, qui se reconnaît dans le pessimisme de ses écrivains de prédilection, Dostoïevski ou Tchekhov – dont de brèves nouvelles ont inspiré le scénario du film. Dans les pas de ces auteurs russes, Ceylan met magistralement à nu ces destins contrariés, avec leur part d’ombre et de lumière.

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