Les défis de l’industrialisation de l’Afrique
Depuis l’an 2000, le continent africain a affiché d’impressionnants taux de croissance économique. Toutefois, cette performance remarquable a été en grande partie due à l’essor prolongé des matières premières et de l’aide au développement.
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Li Yong
Li Yong est directeur général de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel.
Publié le 22 septembre 2017 Lecture : 4 minutes.
Bien que le continent montre une grande diversité au niveau de la trajectoire socio-économique de ses pays, les taux de croissances ont généralement masqué une faible transformation structurelle pourtant nécessaire à la réalisation d’un développement durable et inclusif.
L’industrialisation a toujours joué un rôle moteur dans le processus de diversification économique. Elle a aussi contribué au développement, au renforcement et au maintien des conditions favorables à la croissance économique et au développement.
Depuis plusieurs décennies, certains pays en développement – principalement en Asie – ont réussi à s’industrialiser. L’Afrique n’y est pas parvenue malgré les tentatives répétées. En examinant les parts dans la valeur ajoutée manufacturière mondiale en 2014, on constate que la région de l’Asie et du Pacifique avait une part de 44.6%, alors que celle de l’Afrique n’était que de 1.6%. L’Afrique subsaharienne demeure la région la moins industrialisée du monde avec un seul pays, l’Afrique du Sud, considéré comme industrialisé.
Les pays africains ne peuvent pas parvenir au développement durable sans une transformation structurelle de leurs économies. Ils cherchent à en changer les structures en augmentant, de manière substantielle, la part de l’industrie – en particulier leur secteur manufacturier – dans les investissements nationaux, la production nationale et le commerce.
Les pays africains réalisent qu’ils doivent subir cette transformation structurelle afin de relever une série de défis étroitement connectés.
Un de ces défis reste la croissance démographique. Plus de la moitié des 1.2 milliard d’habitants du continent sont âgés de moins de 19 ans et près d’une personne sur cinq a entre 15 et 24 ans. Chaque année, 12 millions de nouveaux travailleurs intègrent la population active. Les jeunes du continent ont besoin d’outils et de compétences pour prendre leur vie en main. L’industrialisation est la clé pour assurer que la population croissante du continent devienne un atout démographique.
Un grand nombre des jeunes les plus ambitieux et les plus entreprenants se sentent obligés d’émigrer. Aucun pays ne peut se permettre de perdre un tel potentiel
La migration représente un autre défi important. Un grand nombre des jeunes les plus ambitieux et les plus entreprenants de l’Afrique se sentent obligés d’émigrer vers le Nord. Aucun pays ne peut se permettre de perdre un tel potentiel. La migration demeure un phénomène complexe et l’industrialisation peut apporter une solution à ses causes profondes en créant des emplois dans les pays d’origine.
En outre, la menace posée par le changement climatique pèse lourdement sur les pays où l’agriculture est la principale source d’emploi. L’Afrique doit mettre en œuvre et développer des technologies vertes et orienter les investissements vers l’efficacité des ressources et l’énergie propre. Ces investissements peuvent diminuer les coûts liés à l’électrification des régions rurales tout en contribuant aux efforts globaux visant à atténuer le changement climatique.
L’Afrique doit s’industrialiser et elle doit le faire d’une manière qui permet l’intégration sociale et qui est viable pour l’environnement.
Les efforts précédents en vue de favoriser une transformation économique durable en Afrique ont échoué et il est absolument nécessaire d’adopter une nouvelle approche. Mais à présent, il est crucial d’établir un processus large et propre à chaque pays qui mette à profit les ressources financières et non financières, favorise l’intégration régionale et mobilise la coopération entre les partenaires du développement en Afrique.
C’est cette motivation qui a poussé l’Assemblée générale des Nations unies à proclamer la période 2016-2025 comme la troisième Décennie du développement industriel pour l’Afrique (IDDA III).
L’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) mène cette nouvelle approche pour l’IDDA III. Nous appuyons pleinement les partenariats en vue de mobiliser des ressources et offrons un exemple déjà éprouvé pour réaliser cette approche : le Programme de partenariat pays (PCP).
Le PCP de l’Onudi inclut une assistance technique, des conseils en matière de politiques, l’établissement de normes et la mobilisation d’investissements. Le Programme permet ainsi d’appuyer la conception et la mise en œuvre d’instruments et de stratégies en matière d’industrialisation capable d’avoir un impact significatif sur le développement des pays.
Les secteurs prioritaires sont sélectionnés sur la base de leur potentiel de création d’emploi, de la disponibilité de matières premières, du potentiel d’exportation…
Lancé en 2014, le modèle est mis en œuvre avec succès dans deux pays d’Afrique, en Éthiopie et au Sénégal, ainsi qu’au Pérou. Le PCP est aligné sur le programme de développement national de chaque pays et constitue un modèle de partenariats multipartites. Il a été conçu pour établir des synergies au niveau des interventions en cours entre gouvernements et partenaires, et ce, tout en mobilisant des fonds et des investissements supplémentaires pour les secteurs à fort potentiel de croissance.
Le PCP se concentre sur un nombre restreint de secteurs prioritaires ou de domaines qui sont essentiels aux programmes de développement industriel des gouvernements. Les secteurs prioritaires sont généralement sélectionnés sur la base de leur potentiel de création d’emploi, de la disponibilité de matières premières, du potentiel d’exportation et de la capacité d’attirer des investissements.
L’approche PCP est conçue pour maximiser l’impact en créant des synergies entre des programmes et projets partenaires pertinents pour le développement industriel. Les partenariats stratégiques avec les institutions financières et les entreprises constituent un intérêt particulier en vue de mobiliser des ressources additionnelles pour l’industrie, l’innovation, et l’infrastructure ainsi que pour les connaissances, l’expertise et les technologies.
La participation d’autres pays africains à l’approche PCP pourra fortement contribuer à la mise en œuvre réussie de la troisième Décennie du développement industriel de l’Afrique. L’Onudi est prête à appuyer l’Afrique dans ses efforts pour parvenir au développement industriel inclusif et durable.
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