Le Maghreb des misogynes

Fawzia Zouria

Publié le 11 août 2014 Lecture : 2 minutes.

Dignes descendantes des moudjahidate algériennes, nobles battantes du Maroc, filles de Bourguiba, vous pouvez être fières de vos élus ! Si, si. Je vais vous donner trois exemples qui vont vous prouver à quel point ces messieurs soutiennent votre cause et sont convaincus de vos droits.

– Au Maroc, lors de son intervention mensuelle à la Chambre des conseillers, à la mi-juin, le chef du gouvernement marocain Abdelilah Benkirane a déclaré : "Les femmes qui travaillent ne trouvent plus le temps pour se consacrer à leurs enfants et à leur famille." Et alors ? "Il faut les sacraliser au foyer au lieu de les voir d’une manière condescendante." C’est un point de vue personnel ? "C’est notre point de vue au Parti de la justice et du développement (PJD). Si nous avons tort, nous assumons notre erreur." Fermez le ban. Et toi, bobonne, rentre chez toi, ta place est aux fourneaux.

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– En Algérie, Abdelmajid Menasra, président du Front du changement (FC) – qui devrait adopter le slogan "Tout changer, sauf le statut des femmes" -, a fait une déclaration quasi similaire, à quelques jours d’intervalle, lors d’un colloque international organisé en hommage au fondateur du Hamas algérien, Mahfoud Nahnah, dont il se veut l’héritier. Il a martelé son opposition à l’article 31 du projet de révision constitutionnelle, qui propose la parité entre hommes et femmes dans les assemblées élues et consacre l’égalité des sexes du point de vue de la loi : "Je refuse que la femme soit l’égale de l’homme." Vous pouvez répéter ? "C’est un principe sur lequel nous serons intransigeants au FC. Car la famille n’a rien à voir avec la politique du pays." Tournez les babouches. Et toi, bobonne, comprends une fois pour toutes que tu es inférieure et le resteras à jamais.

En Tunisie, le 1er mai, le député Ibrahim Gassas – chauffeur de poids lourd de son état -, connu pour ses sorties dignes de prestations au cirque, s’est fendu d’un laïus sur les dames qui en a décoiffé plus d’une : alors que l’on discutait de l’article 23 portant sur la représentativité des femmes dans les listes de candidats aux futures élections législatives, il a affirmé, gesticulant et postillonnant à en éclabousser les premiers rangs de l’Assemblée constituante : "Les femmes doivent se prosterner devant leur mari et leur laver les pieds."

D’où tu tiens ça, Ibrahim ? "Ce sont là les recommandations du Prophète." Et d’ajouter cette fatwa de son cru : "Au lit, elles ont obligation de ne jamais tourner le dos à leur époux." Autrement dit, de refuser ses assauts. Et le député-chauffeur d’ajuster son turban 33 tours pour repartir chez Dame Gassas, en pleine conversation avec elle-même. Allez, bobonne, prépare la bassine d’eau et couche-toi là. Vous aurez saisi toute l’ironie amère de mes propos, les filles. Sale temps où les changements se font contre les femmes, réduites à l’esclavage au nom de la religion…

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