Burundi : malgré les multiples rapports sur des violations des droits de l’homme, Bujumbura nie en bloc

Entre juillet et septembre, trois rapports internationaux ont été rendus, condamnant la politique répressive du gouvernement. Ce dernier crie au complot occidental.

Le président burundais Pierre Nkurunziza au défilé militaire à l’occasion de la fête de l’Indépendance du Burundi, le 1er juillet 2015, à Bujumbura. © Berthier Mugiraneza/AP/SIPA

Le président burundais Pierre Nkurunziza au défilé militaire à l’occasion de la fête de l’Indépendance du Burundi, le 1er juillet 2015, à Bujumbura. © Berthier Mugiraneza/AP/SIPA

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Publié le 28 septembre 2017 Lecture : 3 minutes.

Voilà un peu plus de deux ans que le Burundi sombre dans la terreur et une violence quotidienne qui, selon les dernières estimations, aurait causé entre 500 et 2 000 morts, alors que 420 000 Burundais ont quitté le pays, depuis avril 2015, pour se réfugier dans les différents pays voisins. Le tout devant une communauté internationale incapable jusqu’à présent de rétablir le dialogue, au point mort, entre les autorités burundaises et ses opposants.

La parution, entre juillet et septembre, de trois rapports internationaux condamnant la politique répressive du gouvernement et les agissements des Imbonerakure, le mouvement des jeunes du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, vient de replacer le pays sous les feux de l’actualité, tout en tirant la sonnette d’alarme sur le respect des droits de l’homme au Burundi.

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La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a justement été la première à publier son rapport, début juillet, « le Burundi au bord du gouffre : retour sur deux années de terreur ». Rien de bien nouveau dans le contenu, mais un résumé de la dégradation générale du pays depuis le début du troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Cette étude a été suivie, en août, par celle de l’International Refugee Right Initiative (IRRI), qui a mené l’enquête auprès des réfugiés burundais en Ouganda, pour faire le point sur les raisons de leur départ précipité et sur leurs conditions de vie dans leur pays d’accueil. Enfin, et certainement le plus attendu, le rapport de la Commission d’enquête de l’ONU, dont les conclusions ont été rendu début septembre, incrimine les autorités burundaises.

Après près de deux ans d’enquête, dans les pays limitrophes (Tanzanie, Rwanda) – les autorités burundaises ayant refusé l’accès du pays aux membres de la commission, ces derniers ont recueillis plus de 500 témoignages, permettant d’établir l’implication des services de sécurité burundais et des milices Imbonerakure dans un grand nombre d’exécutions sommaires, d’actes de torture et de viols.

De probables crimes contre l’humanité

Le rapport reste prudent mais évoque la probabilité de crimes contre l’humanité. « Notre travail avait pour but de qualifier les faits qui relèvent des droits de l’homme pour que la communauté internationale dispose des informations qui permettront de faire pression sur les autorités burundaises », explique Reine Alapini Gansou, membre de la commission. L’avocate béninoise espère que ces derniers travaux sortiront les pays africains et l’Union africaine (UA) de leur torpeur et de leur résignation face à la politique d’usure appliquée par Bujumbura.

Certaines atteintes relevées dans le rapport relevant des compétences de la Cour pénale internationale (CPI), les rédacteurs du rapport, qui a été présenté lors de la dernière session du conseil onusien des droits de l’homme, s’attendent maintenant à voir le Conseil de sécurité saisir les juges de La Haye. Le temps presse car les autorités burundaises ont déjà annoncé leur volonté de quitter officiellement la CPI le 27 octobre.

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Un complot occidental ?

De son côté, le gouvernement burundais cherche surtout à décrédibiliser le travail des experts onusiens et vient de mettre en place une commission de 12 parlementaires pour examiner le rapport. En route pour New York, Willy Nyamitwe, le conseiller à la présidence et tout nouvel ambassadeur plénipotentiaire, s’est arrêté à Paris, le 16 septembre, pour donner une conférence de presse devant les Burundais de la diaspora. Un exercice de haute voltige durant lequel, pendant trois heures, se sont succédé les attaques en règle contre des médias menteurs et manipulateurs et un plaidoyer en faveur d’un pouvoir burundais dont l’unique préoccupation est d’assurer le bien-être de son peuple.

Selon lui, les réfugiés burundais souhaiteraient rentrer chez eux, mais en sont empêchés par le HCR, pendant que certaines des centaines de disparitions recensées à travers le pays, seraient « volontaires », selon Christine-Nina Niyonsavye, l’ambassadeur du Burundi en France depuis juillet. Devant une assistance essentiellement composée d’ « orphelins de 1972 », Willy Nyamitwe a eu beau jeu de réclamer l’apaisement pour préparer les échéances de 2020, plaçant son pays « en résistance » face à la volonté de nuire de la communauté internationale.

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Selon lui le putsch de mai 2015 a été subventionné « par l’UE », alors que la Belgique et la France protégeraient les opposants au régime, avec l’objectif de mettre la main sur le nickel burundais. « Nous n’accepterons jamais d’être les instruments de l’Occident », prévient Willy Nyamitwe, qui se dit même prêt à aller devant la CPI pour défendre les intérêts de son pays. S’il reconnaît que le Burundi est bien en crise, « il n’est pas en feu » assure le conseiller du président.

Il est surtout encore loin d’être en paix, malgré ses affirmations.

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