À l’UMP, le naufrage guette
Avis de tempête sur le navire amiral de l’opposition ! Ses cales sont vides, ses capitaines ne cessent d’échanger des coups bas et sa figure de proue, Nicolas Sarkozy, a maille à partir avec la justice. Pis, les Français n’y croient plus…
au siège de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), dans le 15e arrondissement de Paris, on respire un peu mieux depuis le 17 juillet. La destruction par un missile du Boeing malaisien au-dessus de l’Ukraine et l’émotion mondiale qui en a résulté ont mis provisoirement fin au déballage sur la place publique des guerres fratricides et des "affaires" nauséabondes qui accablent la principale formation d’opposition. Déficits abyssaux, phrases assassines à destination de compagnons de parti – et néanmoins concurrents -, mise en examen, le 2 juillet, de l’ex-président Nicolas Sarkozy… Autant d’incidents qui ont ruiné sa réputation.
Un sondage de l’institut BVA publié dans le quotidien Le Parisien le 12 juillet montre que 48 % des personnes interrogées souhaitent que l’UMP soit dissoute et remplacée par un autre parti, alors que 38 % préfèrent qu’elle soit réformée. Sarkozy lui-même ne déclare-t-il pas à ses visiteurs que "l’UMP est un ventilateur à m…" ? Ses fidèles supporters, comme Nathalie Kosciusko-Morizet, députée de l’Essonne, ou Christian Estrosi, député-maire de Nice, affirment que l’UMP est "déjà morte" et appellent à faire "table rase" de ce parti vermoulu.
Dix permanents qui touchent plus de 8 000 euros par mois
Celui-ci est d’abord perclus de dettes. Comme l’a montré un audit officiel, il doit la coquette somme de 74,5 millions d’euros, surtout en raison du déficit de 40 millions d’euros provoqué en 2012 par des dépenses extravagantes durant la campagne présidentielle de Sarkozy. Pour continuer à assurer ses fins de mois, les banques lui ont imposé un échéancier drastique de remboursements : 5,8 millions d’euros en 2015, 11,7 millions en 2016, 29,3 millions en 2017… et il restera encore 27,7 millions d’euros à acquitter.
Autant dire que le parti doit se serrer la ceinture. Il lui faut baisser ses dépenses de 20 % et donc faire le ménage, notamment dans les salaires de ses dix permanents (sur 85) qui touchent plus de 8 000 euros par mois. Le coût de ses meetings et des campagnes électorales durant les trois prochaines années ne devra pas dépasser 19,2 millions d’euros. Une gageure avec un congrès en novembre, une primaire en 2016 pour désigner son candidat à l’Élysée et la préparation des élections de 2017. En comparaison, l’UMP avait dépensé 40 millions d’euros durant les deux années qui ont précédé la présidentielle de 2007.
Le clan Fillon qui a fait fuiter les 24 000 euros de billets d’avion
Mais comme le déplore Alain Juppé, qui tente d’éviter le naufrage avec deux autres anciens Premiers ministres, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, "ce ne sont pas ses finances qui plombent l’UMP, mais son incapacité à se rassembler autour d’objectifs communs". En effet, la haine a atteint son paroxysme au sein du parti de droite. On suppose que c’est le clan Fillon qui a fait fuiter dans la presse les 24 000 euros de billets d’avion de l’épouse et collaboratrice de Jean-François Copé, l’ancien président de l’UMP, et que c’est le clan Copé qui a publié les trajets dispendieux en jet ou hélicoptère de Fillon… Début juillet, l’armoire du directeur du service des adhésions a même été fracturée. Ambiance !
Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Copé, a été licencié. Il avait reconnu la double comptabilité mise en place avec la société de communication Bygmalion pour camoufler 17 millions d’euros de frais de réunions publiques du candidat Sarkozy en 2012 et éviter à celui-ci une sanction pour dépassement de ses comptes de campagne. Licenciés aussi Éric Cesari, qui percevait 12 500 euros brut en tant que directeur général du parti, Fabienne Liadzé, directrice financière, et Pierre Chassat, directeur de la communication. Au total, les effectifs se dégonfleraient d’une dizaine de personnes.
L’UMP devrait survivre à ces guerres intestines. La machine s’est remise en marche dans la perspective du congrès du 29 novembre, au cours duquel l’élection du président du parti ne devra pas être controversée comme l’a été celle de Jean-François Copé en novembre 2012. Car la bataille pour le poste promet d’être acharnée entre Éric Ciotti, Bruno Le Maire, Hervé Mariton et Nicolas Sarkozy. C’est pourquoi le triumvirat Fillon-Juppé-Raffarin, qui assure les affaires courantes, a décidé que cette élection se déroulerait de façon électronique via internet, mode jugé plus fiable et plus économique qu’un vote papier. Ce sera un "tour de chauffe" pour la logistique gigantesque qu’il faudra mettre en place pour la primaire dite "ouverte", c’est-à-dire celle à laquelle seront conviés en 2016 tous les Français et pas seulement quelque 125 000 adhérents afin de désigner le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle de 2017.
En fait, tout se cristallisera autour de cette primaire à cause de la stratégie élaborée par Sarkozy. Lors de son interview télévisée du 2 juillet, l’ancien président a confirmé que la question qu’il renonce à revenir "ne se pose pas". Mis en examen pour "corruption active" et "trafic d’influence", dans le collimateur des juges pour les fausses factures organisées avec Bygmalion, cité dans les affaires Tapie, Karachi, Kadhafi et des "sondages de l’Élysée", Sarkozy a choisi de se débarrasser de ses nombreuses casseroles en contre-attaquant. Parce que la France est dans un piteux état à cause de l’impéritie du pouvoir socialiste, parce qu’il est le seul à pouvoir éviter l’explosion de l’UMP, il lui faut sortir de la retraite qu’il s’était imposée et reprendre du service, dit-il. Il briguera la présidence de l’UMP en novembre et estime que ce poste et sa qualité d’ancien chef d’État le dispenseront d’en passer par la primaire "ouverte". Ensuite, il lui sera aisé de l’emporter en 2017 contre Marine Le Pen, la présidente du Front national, dont les sondages prédisent la présence au deuxième tour de la présidentielle.
Nous sommes frappés par un scandale financier majeur. Cette situation […] est le résultat de la façon dont l’UMP a été gérée depuis des années. […] La situation s’est dégradée pour deux raisons : l’endettement immobilier, qui était un choix pour préparer l’avenir, et surtout le poids absolument invraisemblable du financement de l’action politique en 2012. […] Aux juges de faire la lumière. Nous en tirerons les conséquences ensuite.
François Fillon, L’ancien Premier ministre dans Le Monde daté 20-21 juillet
Un complot des juges contre Sarkozy ?
Mais il y a un hic : les deux tiers des Français ne veulent plus de lui et, selon un sondage Ipsos de la mi-juillet, c’est Juppé qui est le préféré du moment, l’ancien président reculant à la quinzième place. Pour contourner l’obstacle, Sarkozy entend profiter de son aura intacte chez les militants, qui croient dur comme fer à un complot des juges contre leur favori. Si la primaire était limitée aux adhérents, il arriverait en tête avec 38 % des suffrages devant Juppé (32 %), Fillon et Le Maire (8 % chacun), selon un sondage LH2 publié dans l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur le 11 juillet. Et le tour serait joué.
Les outsiders se battront donc pour que la primaire – à laquelle les centristes pourraient se joindre – demeure ouverte, et Sarkozy pour qu’elle soit le plus fermée possible, car il entend jouer la base contre les caciques. Une furieuse bataille s’annonce, mais aussi une rude épreuve pour l’UMP, où un déluge de boules puantes risque de rendre à nouveau l’atmosphère irrespirable.
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