Sahara : l’autonomie, sinon rien

Abdelaziz Bouteflika et Mohammed VI, au sommet de la ligue arabe en mars 2005. © AMR Nabil/AP/Sipa

Abdelaziz Bouteflika et Mohammed VI, au sommet de la ligue arabe en mars 2005. © AMR Nabil/AP/Sipa

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 11 août 2014 Lecture : 4 minutes.

L’arrivée au pouvoir en 1999, à trois mois d’intervalle, d’Abdelaziz Bouteflika et de Mohammed VI avait suscité l’espoir raisonné d’un new deal entre les deux frères ennemis du Maghreb. Quinze ans plus tard, les relations entre l’Algérie et le Maroc évoluent toujours entre le mauvais et l’exécrable, le Sahara demeurant plus que jamais le noeud gordien de cette triste guerre froide.

On l’oublie souvent, mais les premiers à pâtir de cette mésentente sont les dizaines de milliers de réfugiés sahraouis du "nomadic park" de la région de Tindouf en Algérie (leur nombre réel est inconnu, le Front Polisario n’ayant jamais accepté un recensement international), lesquels vivent depuis quarante ans dans des conditions précaires, sous la houlette d’un chef suprême "réélu" à onze reprises et dont l’horloge historique s’est arrêtée aux années 1970, bien avant que souffle le grand vent des droits de l’homme. Signe de cette désespérance : la dérive de nombreux jeunes nés après l’exil, entre émigration clandestine vers l’Europe et tentation jihadiste au Sahel.

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De l’autre côté du mur de défense marocain, les quinze années écoulées auront été décisives. Lorsque Mohammed VI accède au trône, les conditions d’une vraie crise de confiance, presque d’une rupture sont réunies au Sahara. Le nouveau roi fait alors le bon diagnostic : ce que réclame la grande majorité des Sahraouis, ce n’est pas l’indépendance, mais le respect et la reconnaissance de leur spécificité.

L’argent déversé sans compter sur les provinces du Sud ne suffit pas si l’exigence de dignité d’une population de souche désormais minoritaire n’est pas satisfaite et si nul, au nord de l’oued Draa, ne reconnaît ce que le Sahara a apporté au Maroc : un changement de dimension géopolitique capital et une unité retrouvée autour de la monarchie.

Pour sortir de "l’impasse illimitée" dénoncée par Kofi Annan, le Maroc dépose en 2007 un plan d’autonomie audacieux.

L’option de l’autonomie et le refus d’un référendum avec vainqueurs et vaincus (qualifié d’"irréaliste" par l’ancien envoyé spécial de l’ONU Peter van Walsum) viennent de là. Pour sortir de "l’impasse illimitée" dénoncée par Kofi Annan, le Maroc dépose en 2007 un plan d’autonomie audacieux, ouvert et modulable, qui inscrit l’avenir de l’ex-Sahara occidental dans le cadre de la décentralisation et de l’ouverture démocratique du royaume. C’est ainsi que se gagnent les coeurs et les esprits.

Reste que privilégier la négociation et la persuasion à la répression, tout en maintenant un maillage sécuritaire étroit, a aussi son revers. Le Front Polisario s’engouffre dans la brèche pour tenter de s’implanter à l’intérieur du territoire et de noyauter les revendications sociales.

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En octobre et novembre 2010, la mise en place puis le démantèlement du camp protestataire de Gdeim Izik (13 morts, dont 11 membres des forces de l’ordre) sont significatifs de ce nouveau rapport de force : les indépendantistes, bien que très minoritaires, sont passés maîtres dans l’art de politiser le malaise identitaire et les divisions tribales, ainsi que les difficultés qu’éprouve une population sahraouie, largement subventionnée, à s’adapter aux exigences de la compétition économique.

Quinze ans après, le temps où un secrétaire d’État adjoint américain insistait auprès du président Bouteflika – c’était en février 2000 – pour qu’il "aide" le jeune roi en "contribuant à trouver une solution" au problème du Sahara est définitivement révolu.

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>> À lire aussi Mohammed VI : le Maroc n’a pas de "leçon" à recevoir sur le Sahara occidental

Les frontières entre les deux pays sont toujours fermées malgré les propositions réitérées du Maroc pour les rouvrir, et Mohammed VI a pris son parti d’une poursuite unilatérale du processus d’autonomie, lequel est de plus en plus perçu par la communauté internationale comme la seule solution viable, sans pour autant oser la valider officiellement – ne serait-ce que parce qu’elle ne se conforme pas aux schémas prêt-à-porter d’une décolonisation classique.

Comme chaque année au mois d’avril, l’ONU a ainsi décidé de prolonger de douze mois sa petite opération de maintien de la paix, beaucoup moins coûteuse que le risque d’un conflit ouvert entre les deux voisins. Sans illusions excessives, Rabat attend l’après-Bouteflika et l’arrivée au pouvoir à Alger d’une nouvelle génération pour qu’enfin l’équation saharienne connaisse un début de solution. On ne le répétera jamais assez : ce contentieux vieux de quatre décennies n’est pas la cause, mais la conséquence, de ce dialogue de sourds.

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