Gaza : « La guerre de vingt jours »
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 1 août 2014 Lecture : 5 minutes.
Nous avons senti, en juin dernier, que le Hamas, qui règne sur Gaza depuis 2007, et l’Israël de Benyamin Netanyahou – premier ministre depuis mars 2009 -, voulaient en découdre. Les déclarations belliqueuses se faisaient plus nombreuses et de plus en plus explicites.
Mais lorsque le conflit a éclaté entre eux début juillet, nul n’imaginait qu’il prendrait l’ampleur d’une vraie guerre, durerait trois longues semaines, ferait autant de morts et de blessés, occasionnerait des dégâts aussi impressionnants, révélerait autant de comportements étonnants.
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Soumise à des bombardements aériens et maritimes qui ont précédé l’invasion terrestre, la bande de Gaza est aujourd’hui à moitié détruite ; on a décompté près de 900 morts et quelque 5 000 blessés, dont une majorité de non-combattants, beaucoup trop de femmes et d’enfants.
Israël a subi le tir quotidien de centaines de roquettes qui ont fait peu de morts et de dégâts : 1 sur 100 seulement a atteint sa cible. Mais ces tirs ont gêné la population israélienne, ralenti l’économie du pays, suspendu le fonctionnement de son principal aéroport, porté un rude coup à son tourisme et à son image d’invulnérabilité.
Israël a eu près de quarante tués, trois fois plus que lors de sa précédente invasion de Gaza (janvier 2009), beaucoup de blessés et des pertes matérielles jugées importantes. Ses civils ont été épargnés.
Le bilan est significatif : au total, plus de 95 % de victimes sont palestiniennes, civiles en très grande majorité ; moins de 5 % sont israéliennes, presque toutes militaires.
Une fois de plus, on s’aperçoit que l’on ne sait jamais, lorsque débute une guerre, comment elle va évoluer et ce que seront ses conséquences…
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L’incendie n’est pas éteint à ce jour ; la poussière n’est pas encore retombée. Mais l’on peut déjà avancer un certain nombre d’observations.
1) Le Hamas. Il s’est trouvé seul cette fois et n’a pu utiliser que les armes et les munitions qu’il avait stockées.
L’Iran et la Syrie lui avaient retiré leur soutien ; depuis le renversement de Mohamed Morsi, il y a un an, il a également perdu celui de l’Égypte.
Le Qatar, qui l’avait financé, n’a plus le même chef d’État, et le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qui ne lui a prodigué qu’un soutien verbal – mais appuyé -, est accaparé par sa campagne électorale.
Mais, dos au mur, le Hamas s’est bien battu et a, de ce fait, quelque peu amélioré son image auprès d’une frange d’Arabes et de musulmans à la recherche de tout ce qui peut atténuer leur sentiment d’impuissance et d’humiliation.
>> Lire aussi Gaza : Israël accusé de possibles crimes de guerre par l’ONU
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2) Israël. Ses dirigeants ont été encouragés à faire la guerre au Hamas par le sentiment que c’est un ennemi discrédité et isolé, même dans le monde arabe, qualifié de terroriste en Europe et aux États-Unis, détesté par les Juifs israéliens.
Il leur est apparu suffisamment faible pour pouvoir être écrasé par la force militaire mais assez menaçant pour justifier des frappes massives atteignant les civils de Gaza.
À leurs yeux, le Hamas est l’ennemi parfait, parce qu’il ne veut pas la paix et fédère ainsi contre lui la communauté nationale israélienne.
Mais les dirigeants d’Israël n’ont pas suffisamment tenu compte de la détérioration de leur propre image dans le monde, favorisée par leur intransigeance, par la poursuite obstinée de la colonisation et de l’occupation de la Cisjordanie.
L’Europe et les États-Unis ont fini par se lasser et, sans le crier sur tous les toits, ont retiré à Israël le soutien inconditionnel qu’ils lui accordaient.
Les actuels dirigeants d’Israël n’ont pas prévu non plus que les images de femmes et d’enfants de Gaza criant leur souffrance et leur désespoir devant leurs maisons détruites par les missiles israéliens produiraient un effet aussi dévastateur.
J’ai moi-même été étonné de la violence avec laquelle mes amis subsahariens non musulmans réagissaient aux conséquences des bombardements israéliens de Gaza.
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Cette "guerre de vingt jours" et la façon dont elle a été menée ont montré, pour la première fois, les effets négatifs de la politique menée depuis plus de cinq ans par Benyamin Netanyahou sur l’image d’Israël : ce pays a largement écorné le capital de sympathie dont il disposait dans le monde.
En Israël même, certains en étaient arrivés à écrire :
"Aussi pénible et douloureuse que puisse être pour nous la situation actuelle, n’oublions pas qu’elle est cent fois plus douloureuse pour les Palestiniens de Gaza qui n’ont ni sirène pour les avertir de l’imminence des raids aériens, ni abris à l’épreuve des bombes où se réfugier, ni système antimissile comparable au Dôme de fer pour les protéger."
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L’interminable conflit israélo-arabe a débuté avec le partage de la Palestine par l’ONU, en novembre 1947.
N’ayant accepté ni le partage ni l’État d’Israël qui en est né, les pays arabes ont attaqué ce dernier avec l’intention de le détruire. Seul le président tunisien, Habib Bourguiba, avait recommandé d’accepter le partage et de s’appuyer sur "la légalité internationale", fût-elle injuste, pour gérer le fait israélien.
Il a dit à ses pairs arabes : "Chaque fois que vous ferez la guerre, vous perdrez un peu de votre réputation et beaucoup de vos territoires."
C’est exactement ce qui s’est passé jusqu’en 1978, date à laquelle l’Égypte s’est résignée à faire la paix avec Israël.
Le camp arabe, dont elle était le chef, s’est disloqué ; l’intransigeance et l’agressivité ont alors changé de camp.
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Gouverné par la droite nationaliste, Israël a refusé de prendre en considération l’offre de paix arabe de 2002 et s’est lancé ensuite dans une série d’opérations militaires contre ses voisins. J’en ai décompté huit en dix ans (Opération Rempart en 2002 ; opération Arc-en-ciel en 2004 ; opération Jours de pénitence en 2004 ; opération Pluie d’été en 2006 ; opération Changement de direction en 2006 ; opération Orchard en 2007 ; opération Plomb durci en 2008-2009 ; opération Pilier de défense en 2012 ; opération Bordure protectrice en 2014) que son armée a conduites avec succès.
Mais au prix de la détérioration continue de son image dans le monde, au prix de la paix et des avantages économiques que lui aurait procurés une politique d’entente et de coopération avec ses voisins.
L’opération "Bordure protectrice" contre le Hamas qui va s’achever est la neuvième de la série : une fois de plus, Israël aura gagné une bataille et perdu la paix.
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