Start-up de la semaine : au Niger, Sahel Délices mise sur les produits locaux

Gingembre, bissap, bouye, tamarin… Pour l’ancienne employée de banque Ma Rouckya Bachir, les plantes sahéliennes méritent qu’on s’y intéresse d’un peu plus près. Elle espère pouvoir faire passer sa production, encore artisanale, au stade semi-industriel courant 2018.

Sahel Délices transforme le gingembre pour produire des jus, des infusions ou encore des croquettes. © notafish via VisualHunt /  CC BY-SA

Sahel Délices transforme le gingembre pour produire des jus, des infusions ou encore des croquettes. © notafish via VisualHunt / CC BY-SA

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Publié le 28 septembre 2017 Lecture : 3 minutes.

La date est restée gravée dans sa mémoire : le 12 mars 2015, Ma Rockya Lalaiba enregistrait officiellement son entreprise, Sahel Délices, au registre du commerce de Niamey. Son plan : concocter des produits exploitant au mieux les valeurs nutritives des plantes locales : le tamarin, l’hibiscus, le gingembre…

Un projet étonnant, lorsque l’on sait que la jeune femme de 38 ans a obtenu un DESS en finances et un DESS en qualité à l’Institut supérieur de management de Dakar, et a exercé un temps comme assistante de direction à la Banque régionale de marchés (BRM) dans la capitale sénégalaise.

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À son retour au Niger, où elle a dû rentrer pour suivre son mari, faute de trouver une opportunité qui l’intéresse suffisamment elle a décidé de se lancer dans la création de sa propre entreprise. « Je n’avais aucune formation dans le domaine agroalimentaire, mais j’ai grandi avec une mère passionnée de cuisine et un père amoureux des plantes locales. Moi-même, j’ai été emballée lorsque j’ai découvert les valeurs nutritives de ces dernières, et je me suis beaucoup documentée sur la question. Je trouvais dommage que les gens les connaissent mal et ne les consomment pas plus », raconte la chef d’entreprise.

De longues démarches

Elle se lance donc : jus, confitures, tisanes, piments, croquettes de gingembre… Sa gamme de produits se développe vite, même si le dernier-né de la liste, les farines infantiles, attend toujours de pouvoir être mis sur le marché. « Il nous faut une autorisation pour ce type de produits, et les démarches sont très longues », confie Ma Rockya Lalaiba, qui espère recevoir son agrément bientôt et pouvoir lancer la production d’ici deux mois.

En mai 2016, la candidature de Sahel Délices auprès de l’incubateur nigérien Cipmen est acceptée, et l’entreprise bénéficie depuis d’un accompagnement sur mesure. « Nous avons été séduits par les produits naturels de Sahel Délices. Nous trouvions intéressant de soutenir une entreprise qui propose une alternative aux boissons gazeuses, souvent bourrées d’additifs, que le Niger importe massivement », explique Arafat Abdourahmane, business developper au Cipmen.

Quelques mois plus tard, elle est sélectionnée par le programme « Talents du monde » mis en place par l’UEMOA, et sa responsable bénéficie d’une formation en France. Également soutenue par la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Niger, Ma Rockya Lailaba est membre de la Plateforme d’innovation des femmes transformatrices du Niger, elle-même appuyée par le Bureau de restructuration et de mise à niveau de l’industrie du Niger.

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Le 4 septembre, elle a en outre signé une convention avec le Service de coopération et d’action culturelle (Scac) de l’ambassade de France au Niger dans le cadre du fonds Piscca, destiné à soutenir des projets innovants de la société civile. « Ils vont nous aider à développer notre propre réseau de producteurs », explique la chef d’entreprise qui s’approvisionne pour l’instant sur les marchés locaux. Elle compte également sur ce partenariat avec la coopération française pour voir naître une boutique où seraient vendus ses produits et ceux d’autres femmes cultivatrices et transformatrices de Dosso et Niamey.

Enfin, la fondation Tony-Emelulu a sélectionné l’entreprise dans le cadre de son programme 2017, ce qui lui permettra de suivre une formation et de recevoir un fonds d’amorçage de 5 000 dollars (4 250 euros).

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Les emballages, une pression sur les coûts

Encore artisanale – sa production de jus est de 360 litres par semaine – , la société grandit vite : son chiffre d’affaires est passé d’un million de francs CFA la première année (1 500 euros) à 5 millions en 2016, un chiffre dépassé dès juillet 2017 : cette année, Ma Rockya Lailaba espère bien passer la barre des 10 millions de F CFA. L’équipe s’est aussi étoffée : l’entreprise compte maintenant six salariés, principalement des femmes.

Désormais bénéficiaire, l’entreprise fournit des supermarchés et des restaurants d’hôtels de Niamey, mais sa patronne estime que « le marché n’est pas encore suffisamment stabilisé pour que nous passions à une production semi-industrielle ». Un tournant que devrait prendre l’entreprise courant 2018, avant d’arriver à une production totalement industrialisée.

Un frein tracasse pourtant l’entrepreneuse : « Ce qui nous coûte le plus cher, ce sont les emballages, que nous sommes obligés d’importer du Nigeria, du Burkina Faso et parfois même de France. Cela augmente énormément les coûts de production », confie-t-elle. Arafat Abdourahmane, tout en affichant sa confiance pour l’avenir de l’entreprise, s’inquiète aussi de l’accès aux financements, « un problème auquel sont confrontées toutes les sociétés nigériennes ».

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