Christopher Fomunyoh : « Les Africains aspirent à une gouvernance moderne »
Directeur Afrique du National Democratic Institute, basé à Washington, le juriste et politologue camerounais décrypte la vision de l’Afrique selon Obama.
À 57 ans, Christopher Fomunyoh partage son temps entre Washington et les capitales africaines. En 1992, le politologue camerounais a rejoint le National Democratic Institute (NDI), dont il dirige désormais le département Afrique. Ce think tank démocrate est l’un des organisateurs du Forum de la société civile africaine, qui se tiendra le 4 août en marge du sommet des chefs d’État, à Washington.
>> Voir aussi l’intervention de barack Obama devant les étudiants du Washington Fellowship for Young African Leaders
Jeune Afrique : Le regard des États-Unis sur l’Afrique a-t-il changé ?
Christopher Fomunyoh : Il y a une continuité dans l’approche, et les centres d’intérêt demeurent les mêmes. La différence majeure réside dans la mise en oeuvre des programmes d’assistance et dans les montants alloués. La marge de manoeuvre des administrations qui se sont succédé dépend du contexte, de la disponibilité des ressources financières et de la politique intérieure.
Par exemple, Bill Clinton affichait son amour pour l’Afrique. Son successeur, George W. Bush, s’est révélé bien plus généreux avec le continent, même si les aides se sont surtout concentrées sur des secteurs précis, notamment la santé et la sécurité. Barack Obama, lui, ne se contente pas de clamer son amour pour l’Afrique. Il a une vision très rationnelle de ce qui peut être accompli, même si le manque de ressources financières entrave la mise en oeuvre de sa politique africaine.
Une rencontre est prévue le 4 août au Congrès avec des personnalités de la société civile comme Wole Soyinka et Desmond Tutu…
Cela témoigne de la multiplicité des centres d’intérêt qu’ont les États-Unis sur le continent et qui concernent le Congrès mais aussi les ONG, les associations professionnelles, les entreprises, les universités et les think tanks.
L’un des thèmes du sommet est "la gouvernance pour l’avenir". On parlera démocratie, transparence des scrutins… Sur quels leviers Barack Obama peut-il agir pour faciliter l’alternance ?
Selon un vieil adage africain, on peut amener un cheval jusqu’à l’eau, mais on ne peut pas l’obliger à boire. Quelques pays ont expérimenté l’alternance ou ont connu une relative stabilité grâce à la limitation des mandats. Il est donc normal que l’inquiétude s’installe devant sa possible abrogation dans certains pays.
Les Africains sont conscients que les tripatouillages des Constitutions fragilisent la paix, la stabilité, la croissance économique….
La résolution définitive de ces différends revient aux seuls Africains. Nous sommes au XXIe siècle, et ces derniers aspirent eux aussi à une gouvernance moderne de leurs États. Ils sont conscients que les tripatouillages récurrents des Constitutions fragilisent la paix, la stabilité, la croissance économique et les institutions…
On peut difficilement accepter que des chefs d’État déjà au pouvoir alors que Barak Obama était à l’école primaire ou au secondaire en soient toujours à manipuler populations et Constitutions pour ne pas céder leur place. Le président américain, lui, pense déjà à son départ, au terme de ses deux mandats, comme le prévoit la Constitution américaine.
Les États-Unis peuvent-ils vraiment jouer un rôle dans le renouvellement des élites ?
Il revient aux Africains de le faire. Le président Obama en est conscient. Il a mis sur pied le programme Yali [Young African Leaders Initiative, voir plus haut], appelé à devenir le principal canal des États-Unis pour développer le leadership chez les jeunes Africains, leur inculquer certaines valeurs et donner des repères à ceux qui souhaitent s’engager de manière citoyenne dans la politique, l’économie ou la société civile.
Que peut-on attendre du sommet ?
Les populations africaines espèrent des débats ouverts sur les trois thèmes retenus : le commerce et l’investissement, la paix et la sécurité, la gouvernance. Un grand pas serait franchi si les dirigeants africains, réunis autour d’Obama, prenaient enfin conscience que le règlement de ces problématiques dépend avant tout de l’instauration de la démocratie.
Cela rassurerait les millions d’Africains qui aspirent à un avenir meilleur. Et ce serait un réel encouragement pour ceux de nos leaders qui sont de vrais démocrates et oeuvrent déjà dans ce sens. Une telle prise de conscience serait aussi profitable à Barack Obama : elle démontrerait à l’opinion américaine et internationale qu’il a une vision et des projets pour l’Afrique.
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Propos recueillis par Clarisse JUOMPAN-YAKAM
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