États-Unis : l’Afrique au sommet, séance de rattrapage pour Barack Obama

Du 4 au 6 août, le président américain accueille le premier sommet États-Unis – Afrique des chefs d’État et de gouvernement. La Maison Blanche reconsidère-t-elle pour autant ses positions à l’égard du continent ?

À Dar es Salaam, Michelle et Barack Obama et le couple présidentiel tanzanien, le 2 juillet 2013. © Pete Souza/White House

À Dar es Salaam, Michelle et Barack Obama et le couple présidentiel tanzanien, le 2 juillet 2013. © Pete Souza/White House

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 4 août 2014 Lecture : 6 minutes.

Barack Obama a déçu les Africains. Est-ce parce qu’il est né à Hawaii et a grandi en Indonésie que le président des États-Unis s’intéresse plus à la zone Pacifique qu’au continent où est né son père kenyan ? Lors de son premier mandat, il ne s’y est rendu que deux fois, en Égypte et au Ghana, en 2009. Il a corrigé le tir fin juin-début juillet 2013 en effectuant une tournée de huit jours au Sénégal, en Afrique du Sud et en Tanzanie.

Toujours est-il que, du nord au sud, l’Afrique attendait plus et mieux du premier chef d’État d’origine africaine de la première puissance mondiale, au moment où le président chinois, lui, y enchaîne visite sur visite. Et voici que, comme pour rattraper le temps perdu, Barack Obama invite une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement africains à Washington, du 4 au 6 août, afin de "renforcer les liens avec l’une des régions les plus dynamiques au monde", selon ses propres dires.

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Car ses conseillers sont parvenus à le persuader que l’Afrique était "une terre d’opportunités". Ils lui ont fait valoir qur rares sont les continents où la croissance annuelle dépasse 5 % depuis dix ans, et que les "lions" africains valent bien les "dragons" asiatiques.

Toutes les études prouvent que l’Afrique est en passe de décoller. Dans son édition du 11 juin, le Wall Street Journal a publié la dernière en date, réalisée par le cabinet conseil Frontier Strategy Group, qui estime que parmi les 20 "marchés frontières" (ceux des pays en développement) les plus attractifs pour les multinationales américaines et européennes figurent 11 pays africains, le Nigeria trônant à la première place, le Kenya à la cinquième et l’Angola à la sixième.

En dix ans, les échanges commerciaux États-Unis – Afrique ont doublé, ceux de la Chine avec l’Afrique ont été multipliés par vingt.

Les hommes du président lui ont aussi mis sous les yeux des chiffres cruels. En dix ans, les échanges commerciaux États-Unis – Afrique ont bien doublé. Or, dans le même laps de temps, ceux de la Chine avec l’Afrique ont été multipliés par vingt, bondissant de 10 milliards à plus de 200 milliards de dollars par an.

Ce marché africain de déjà plus d’un milliard de personnes promet d’être gigantesque. Si l’on en croit l’Union africaine (UA), pour le seul domaine énergétique, 300 milliards de dollars seraient indispensables au continent pour installer les lignes à haute tension et gazoducs nécessaires au transport de l’électricité et des hydrocarbures des pays producteurs vers ceux qui en sont dépourvus.

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Mais pour l’instant, hormis quelques multinationales du secteur pétrolier, peu de capitaux américains ont mis le cap sur l’Afrique : cette dernière ne reçoit encore que 1 % des investissements américains dans le monde. Certes, les États-Unis n’ont pas persévéré dans l’attitude qui a longtemps été la leur et qui consistait à dire que l’Afrique était du ressort de ses anciens colonisateurs, les Européens.

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Ils ne sont plus restés les bras ballants. En 2000, ils ont mis en place l’African Growth and Opportunity Act (Agoa, la loi qui facilite l’accès des pays africains au marché américain). Et ils se félicitent aujourd’hui des 43 millions d’emplois créés dans une quarantaine de pays du continent grâce à la suppression des droits de douane que les États-Unis organisent dans ce cadre sur les produits africains qu’ils importent (véhicules, vêtements, chaussures, produits agricoles transformés).

Certains n’ont guère de produits manufacturés à exporter

L’Agoa, qui prend théoriquement fin en 2015, sera donc l’un des plats de résistance du sommet de Washington, car ses résultats sont moins éclatants qu’il n’y paraît. "Certains pays comme Maurice ou le Kenya ont bien utilisé l’Agoa. D’autres, comme la RD Congo ou la Zambie, n’ont guère de produits manufacturés à exporter", analyse Stefano Inama, de la division Afrique et pays les moins avancés à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). En outre, les produits pétroliers représentent à eux seuls 91 % des importations américaines en provenance de l’Afrique.

Il serait possible d’améliorer l’Agoa sur deux points, estime Inama. "Pour que les pays peu industrialisés en profitent, il conviendrait d’abaisser le pourcentage minimal de 35 % de matières premières d’origine locale dans le produit final, à l’exclusion du textile et de l’habillement", explique-t-il.

Mais les congressistes américains rechignent à autoriser cet assouplissement tant ils redoutent que l’Afrique ne serve de cheval de Troie aux produits asiatiques à bas coûts, qui pourraient mettre à mal l’emploi américain. "Il faudrait d’autre part offrir aux investisseurs en Afrique une plus grande stabilité, poursuit Stefano Inama.

Car les préférences douanières américaines sont attribuées pour un temps défini, alors que celles du programme européen "Tout sauf les armes" n’ont pas de date butoir, ce qui offre plus de perspectives aux entreprises qui souhaitent s’installer en Afrique pour exporter vers les pays développés."

Un tiers de l’aide américaine est liée

À vrai dire, les efforts américains – incontestables – pour renforcer les liens économiques et commerciaux avec l’Afrique n’ont pas été couronnés de succès en raison d’un certain nombre de défauts organisationnels et stratégiques. En 2010, sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), une "revue quadriennale par les pairs" de la politique américaine en faveur du développement, un document toujours d’actualité, a félicité les États-Unis pour le doublement effectif de leur aide à l’Afrique subsaharienne, comme le demandait le sommet du G8 de Gleneagles, en 2005.

Pour Washington, le sacro-saint triptyque "sécurité, démocratie, développement durable" se décline dans cet ordre d’importance décroissant.

Mais l’éparpillement des 140 priorités énumérées par l’US Foreign Assistance Act, la fragmentation des 27 institutions compétentes pour les appliquer et le fait qu’un tiers de l’aide américaine soit "liée" (elle doit être utilisée pour acheter des produits ou des services américains) nuisent à l’efficacité de la politique américaine. Par ailleurs, de document officiel en document officiel, Washington ne varie pas d’un pouce dans les principes qui gouvernent sa politique de coopération, avec l’Afrique comme avec le reste du monde… Et le sacro-saint triptyque "sécurité, démocratie, développement durable" se décline dans cet ordre d’importance décroissant.

Ainsi, la lutte antiterroriste l’emporte sur toute autre considération, au point que le document de l’OCDE demande au gouvernement américain de "coopérer avec les organisations humanitaires pour trouver les solutions et les compromis efficaces afin de s’assurer que les mesures contre-terroristes sont compatibles avec l’impératif humanitaire". L’exigence démocratique explique que le Zimbabwe, le Soudan et l’Érythrée seront tenus à l’écart du sommet de Washington et, vraisemblablement, des grands programmes de coopération qui y seront adoptés et dont ils auraient bien besoin.

Quant au développement, il ne vient qu’en dernière position dans les préoccupations américaines à l’égard du continent africain. Encore faut-il qu’il soit durable, soucieux de l’égalité des sexes et de la lutte contre les pandémies.

Au moment où les Chinois ne mettent aucune condition à l’octroi de leurs prêts, de leurs investissements et de leur aide, on comprend pourquoi la présence économique des États-Unis en Afrique n’est pas à la hauteur de leurs ambitions. Et pourquoi certains fonds américains, encore frileux, n’ont ajouté "que" 4 % à 5 % de valeurs africaines dans leur portefeuille, comme s’en félicite pourtant Gabriel Fal, le président de la Bourse des valeurs d’Abidjan.

Mais la réussite du pari africain de Barack Obama ne dépend pas que de lui. Il faut espérer que les dirigeants conviés à Washington auront préparé leurs dossiers. "Finissons-en avec les énormes agendas où l’on demande tout et où l’on n’obtient rien ! s’exaspère Stefano Inama. Il convient que chaque pays limite ses ambitions à trois ou quatre projets pour les réussir." Au travail, donc, pour que l’Afrique et les États-Unis trouvent dans quelques jours les voies et les moyens pour mieux se comprendre et pour mieux commercer.

Principaux rendez-vous

4 août

o Signature Events. Rencontres de la société civile à la National Academy of Sciences.

o Agoa Forum. Discussions entre ministres du Commerce au siège de la Banque mondiale.

o Capitol Hill Reception. Accueil organisé par les commissions des affaires étrangères du Sénat et de la Chambre des représentants.

5 août

o U.S.-Africa Business Forum. Journée coorganisée par le département du Commerce et Bloomberg Philanthropies au Mandarin Oriental.

o Dîner à la Maison Blanche.

6 août

o Sommet des chefs d’État et de gouvernement en trois sessions thématiques : Investir dans l’avenir de l’Afrique – Paix et stabilité régionale (déjeuner de travail) – Gouvernance pour les générations futures.

o Symposium des premières dames. Organisé par Michelle Obama en partenariat avec l’ex-First Lady Laura Bush, toute la journée, au Kennedy Center.

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