La ruée vers l’or blanc ne tue pas que des éléphants

Les bijoux en ivoire, qui s’arrachent sur les étals de Shanghai et de Hong Kong, alimentent le terrorisme en Afrique. Pour ne pas être accusé de complicité passive, Pékin serre la vis.

Des défenses et des objets en ivoire saisis à Paris. © BERTRAND GUAY / AFP

Des défenses et des objets en ivoire saisis à Paris. © BERTRAND GUAY / AFP

Publié le 2 août 2014 Lecture : 2 minutes.

Quel est le lien entre les consommateurs chinois et les groupes terroristes africains ? Réponse : l’ivoire. D’un côté, l’empire du Milieu représente 90 % des achats mondiaux d’"or blanc". De l’autre, le trafic d’ivoire finance les rébellions et les milices les plus violentes du continent, comme l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) en Afrique centrale, les Djandjawid au Soudan, Boko Haram au Nigeria ou les Shebab en Somalie…

Quelque 60 000 éléphants ont été tués ces trois dernières années pour alimenter ce triste commerce. Et selon un rapport publié début juillet par ­l’organisation de coopération policière Interpol et le Programme des Nations unies pour l’environnement, l’ivoire africain vendu en Asie représente une valeur marchande de plus de 150 millions de dollars par an (110 millions d’euros).

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Le trafic d’ivoire comparé au trafic de drogue

À l’origine de cette étude, l’Italien Andrea Crosta, directeur exécutif de l’Elephant Action League, qui a remonté pendant dix-huit mois les filières de l’ivoire, des étals de Shanghai, Pékin et Hong Kong jusqu’à la brousse africaine. Son constat est accablant : "En achetant un simple bijou, vous alimentez une longue chaîne de crimes et de sang. En Somalie, par exemple, les Shebab achètent jusqu’à trois tonnes d’ivoire par mois aux braconniers africains pour les revendre ensuite aux Chinois. Ce trafic ressemble de plus en plus à celui de la drogue : les profits sont considérables et l’argent récolté sert à acheter des armes."

"Le trafic d’ivoire représente le plus gros des ressources de la LRA", confirme le rapport de l’ONU, selon lequel le revenu annuel tiré de l’ivoire par les groupes terroristes d’Afrique subsaharienne est de l’ordre de 4 millions à 12,2 millions de dollars. La Chine constitue le plus gros débouché pour les trafiquants. La demande y est telle que le prix de l’ivoire, perçu dans le pays comme un symbole de pureté et de richesse, y a triplé en quatre ans, pour atteindre 2 100 dollars le kilo.

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Les défenses quittent le continent par les ports de Mombasa (Kenya) et Dar es-Salaam (Tanzanie), puis transitent par l’Asie du Sud-Est avant d’arriver en Chine. Une partie est aussi exportée par avion : ces dernières années, 85 % de l’ivoire saisi à l’aéroport d’Addis-Abeba, en Éthiopie, avait la Chine pour destination finale.

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Les saisies de défenses et de cornes de rhinocéros augmente de 300% en dix ans

En début d’année, Interpol a lancé l’opération Cobra II, qui a vu les polices de 28 pays – dont la Chine – coopérer pour combattre les crimes contre l’environnement. Résultat : plus de 400 arrestations dans 350 affaires, dont 200 concernent les seules filières chinoises. Pékin, dont la présence en Afrique est de plus en plus importante, s’implique particulièrement dans cette lutte afin de ne plus apparaître comme le financier du terrorisme.

À Hong Kong, le zèle des douanes a permis d’augmenter les saisies de défenses d’éléphant et autres cornes de rhinocéros de 300 % en dix ans. Et depuis le début de l’année, la police chinoise a détruit plus de six tonnes d’ivoire provenant d’Afrique via des réseaux mafieux et des groupes terroristes.

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