Espagne : Pedro Sánchez, ou comment faire oublier Zapatero…
Le nouveau patron de l’opposition est jeune, beau et intelligent. Mais avant « d’y penser en se rasant », Pedro Sánchez va devoir rafraîchir l’image du Parti socialiste. Bon courage !
Lui préfère se présenter comme professeur d’économie à l’université Camilo-José-Cela, à Madrid, et rappeler son expérience à l’international (il a été chef de cabinet du haut représentant de l’ONU pendant la guerre au Kosovo) et sa parfaite maîtrise de l’anglais et du français. Mais en Espagne, tout le monde le surnomme Pedro el Guapo – "le beau Pedro".
Avec son large sourire et son allure de sportif, le député madrilène de 42 ans a fait chavirer le coeur de 48,7 % des 197 000 militants du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui l’ont élu secrétaire général le 13 juillet – un choix qui doit encore être ratifié lors d’un congrès extraordinaire les 26 et 27 juillet.
Inconnu de la majorité de ses compatriotes il y a encore un mois, Pedro Sánchez a devancé le député basque Eduardo Madina (36,2 %), pourtant donné favori, et l’ex-parlementaire José Antonio Pérez Tapias (15,1 %). Une victoire qui n’est pas sans rappeler celle de José Luis Rodríguez Zapatero à la tête du parti, en 2000, alors que son rival José Bono était en tête dans les sondages.
"Le soutien des barons du PSOE a été décisif", explique le politologue Fernando Ntutumu Sanchis, coordinateur du groupe des "afro-socialistes" au sein du PSOE. Parmi eux, Susana Díaz, la présidente du gouvernement d’Andalousie, le plus gros bastion socialiste, où 61 % des militants ont voté pour Pedro Sánchez.
Depuis leur défaite historique aux élections européennes du 25 mai, les socialistes espagnols traversent une crise sans précédent.
Mais n’est-ce pas aussi sa volonté de "rénover" le PSOE qui lui a permis de se démarquer ? Depuis leur défaite historique aux élections européennes du 25 mai – ils n’ont obtenu que 14 sièges sur les 54 attribués à l’Espagne -, les socialistes espagnols traversent une crise sans précédent depuis le retour de la démocratie, en 1975. Alors qu’en 2008 ils avaient remporté 11 millions de voix aux élections législatives, ils n’en ont recueilli que 3,5 millions lors du scrutin européen. Leur leader depuis 2012, Alfredo Pérez Rubalcaba, a donc rendu son tablier.
Aujourd’hui principale force d’opposition face au gouvernement de droite de Mariano Rajoy, le PSOE, au pouvoir de 2004 à 2011, a laissé dans l’esprit des Espagnols l’image d’un parti responsable de la crise économique dans laquelle est plongé le pays depuis l’explosion de la bulle immobilière de 2008.
Face à la montée, sur sa gauche, de Podemos, une formation issue du mouvement des Indignés, Pedro Sánchez entend bien récupérer le terrain perdu. Lors d’un déplacement à Paris, il a dénoncé, comme Pablo Iglesias, chef de file de Podemos, le départ de plus en plus de jeunes Espagnols à l’étranger pour trouver du travail.
Élections générales en 2015
"Face aux deux autres candidats, le nouveau secrétaire général était le plus modéré. Nous attendons de lui qu’il se détache de ses appuis et qu’il prenne de la hauteur pour réunifier le parti", insiste Fernando Ntutumu Sanchis. De fait, le 13 juillet au soir, l’union n’était même pas de façade au siège du PSOE…
Eduardo Madina a eu du mal à cacher sa déception : applaudissant sans enthousiasme le discours du vainqueur, il a ensuite quitté rapidement les lieux, accompagné de plusieurs militants. Quant à José Antonio Pérez Tapias, il a demandé au nouveau leader de maintenir les primaires prévues en novembre pour désigner le candidat du parti aux élections générales de 2015.
Alors que s’annonce la course au palais de la Moncloa (la résidence officielle du chef du gouvernement), la bataille au sein de l’opposition est donc loin d’être terminée. Mais le très pessimiste Alfredo Pérez Rubalcaba balaie d’un revers de la main toutes les ambitions : "Le parti verra passer au moins deux ou trois secrétaires généraux avant de revenir au pouvoir", a-t-il avancé en privé, évoquant le lourd héritage des années où José Luis Rodríguez Zapatero dirigeait l’Espagne.
Pedro el Guapo, lui, ne cesse d’affirmer qu’il veut être "celui qui mettra Mariano Rajoy à la retraite". Ah ! l’insolence de la jeunesse !
>> À lire aussi : Espagne : drôle de job que celui de roi
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