Fatou Jagne Senghor : la Sénégambie, « deux pays, un destin »
Sénégal et Gambie. Un peuple uni par une géographie, des traditions et une histoire communes. Une confédération prématurément avortée à la fin des années 1980 et deux régimes politiques, dont une dictature qui a isolé la Gambie pendant plus de vingt ans. Comment aller de l’avant aujourd’hui en tenant compte de cette histoire, des enjeux sécuritaires, des intérêts économiques ?
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Fatou Jagne Senghor
Sénégalo-gambienne, directrice régionale de l’ONG Article 19
Publié le 11 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.
Sénégal 2019, c’est déjà demain…
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Le Sénégal et la Gambie vont devoir relever ces défis. Avec l’élection inattendue d’Adama Barrow à la présidentielle de décembre 2016, le peuple gambien a tourné le dos au régime de Yahya Jammeh, lequel, pris au dépourvu par ce rejet, a accepté le verdict des urnes avant de se rétracter quelques jours plus tard, menaçant d’entraîner le pays dans le chaos. Une mobilisation régionale et internationale sans précédent s’est alors organisée pour soutenir la démocratie gambienne naissante.
Le Sénégal y a joué un rôle prééminent, au sein de la Cedeao et du Conseil de sécurité des Nations unies. Il a accueilli les milliers de Gambiens inquiets qui fuyaient leur pays. Et c’est à Dakar que le président élu Adama Barrow a prêté serment le 19 janvier avant de pouvoir rentrer à Banjul. Aujourd’hui encore, la sécurité du pays est assurée par l’Ecomig, la mission d’intervention en Gambie de la Cedeao, dans laquelle le Sénégal joue un rôle clé.
Il faut une vision collective claire et des intérêts économiques partagés
Libérée de vingt-deux ans de dictature, la Gambie a subi un isolement qui aura d’énormes conséquences sur sa reconstruction. Et ses lendemains sont incertains. Comment s’opèrent les réformes de l’armée et des forces de sécurité ? Quel rôle pour ses leaders politiques depuis l’éclatement de la coalition en avril ? Cette fragile Gambie est désormais ouverte au business.
Réguler les flux affairistes
S’il n’est pas bien encadré, des flux d’affairistes risquent de se mobiliser, à l’intérieur comme depuis l’extérieur, dans l’Administration comme dans les milieux économiques, qui pourraient tirer profit de la situation, causer des frustrations, faire resurgir le vieux démon de la corruption et la suspicion d’interventions opaques du grand frère.
Il est temps que des réflexions sérieuses et objectives soient menées pour que la rhétorique du « même peuple » puisse enfin devenir une réalité
L’un des meilleurs moyens de juguler ce risque est de développer un partenariat « gagnant-gagnant » et des politiques publiques conjointes. Le Secrétariat permanent de la Sénégambie, si on lui en donne les moyens, pourrait être le creuset des réflexions sur la construction de cette dynamique de coopération bilatérale, qui serait sans conteste un ancrage pour le progrès, la stabilité et la paix.
Cette paix passe par l’intégration, la transparence dans la gestion des deux économies, la sécurité et les valeurs partagées, dont l’une des plus importantes est le respect des droits humains et l’acceptation de la démocratie.
Pour répondre à la particularité de la situation sénégambienne, pour s’unir et coopérer dans la franchise et le respect réciproque des populations, il faut les mêmes valeurs, une estime et une confiance mutuelles, un leadership fort et visionnaire. Il faut une vision collective claire et des intérêts économiques partagés.
Paix en Casamance et ouverture du marché gambien
Pour le Sénégal, ces intérêts s’articulent, entre autres, autour de la paix en Casamance, de la sécurité, de la traversée sans encombre des biens et des populations vers le sud du pays, du libre accès au marché gambien. Pour la Gambie nouvelle priment la sécurité et le développement de l’économie, en partie tributaire du Sénégal.
Il est temps que des réflexions sérieuses, dépassionnées et objectives soient menées pour que la rhétorique du « c’est le même peuple » puisse enfin devenir une réalité et que les bases d’une coopération équitable soient établies, de façon que les acteurs économiques et administratifs coopèrent et que les populations vaquent à leurs occupations sans tracas.
La société civile, en particulier les jeunes et les femmes, doit impérativement être associée
La réussite de cette intégration, par laquelle ceux que l’histoire et la géographie ont rassemblés vont renouer et consolider leurs liens, sera évidemment bénéfique pour le reste de la région et accélérera la coopération sous-régionale.
Il est temps que les gouvernements sénégalais et gambien s’engagent activement pour donner l’orientation stratégique, fournir le cadre et les ressources nécessaires à la mise en place de ce processus, auquel la société civile, en particulier les jeunes et les femmes, doit impérativement être associée.
Elle devrait être consultée et impliquée à tous les niveaux de ce processus, afin qu’il devienne un « cours naturel » et ne soit pas imposé aux populations qui, de part et d’autre de la frontière, au Sénégal comme en Gambie, vivent en harmonie, de manière étroitement conviviale.
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