Tim O’Hanlon, le chercheur d’or noir de Tullow Oil
Alors que les cours du pétrole sont au plus bas, le « Monsieur Afrique » du groupe britannique mise sur les gisements à terre en Ouganda ou au Kenya, moins coûteux mais politiquement plus risqués.
« Je n’ai plus besoin de publicité », s’amuse Tim O’Hanlon. Auréolé de la découverte en 2007 du gisement Jubilee au Ghana (environ 3 milliards de barils), le jovial irlandais de 56 ans est désormais connu comme le loup blanc. Dans les travées de l’Africa Oil Week, la manifestation phare du secteur qui se déroulait au Cap du 3 au 7 novembre, les professionnels du secteur se pressaient pour rencontrer le « Monsieur Afrique » de Tullow Oil, comme il se surnomme lui-même en français. Le temps où il devait lutter pour obtenir des rendez-vous et s’entretenir avec les décideurs publics et privés paraît loin. « Désormais, ce sont eux qui se bousculent au portillon », remarque-t-il.
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Une année 2013 mitigée pour Tullow Oil
Vingt-huit ans après son entrée dans la petite junior pétrolière fondée par Aidan Heavey, son condisciple de l’université de Dublin, O’Hanlon raconte – avec une fierté quasi enfantine – avoir visité 52 des 54 États africains.
« Il ne manque à mon palmarès que Djibouti et l’Érythrée », plaisante-t-il, visiblement satisfait de sa vie de globe-trotteur. L’ingénieur pétrolier partage son temps entre son Irlande natale, où Tullow Oil lui a installé un bureau, le siège londonien et le continent, essentiellement dans les douze pays africains où le groupe est présent. Il affiche toujours l’ambition de faire de sa compagnie une future « major » pétrolière grâce à des implantations africaines qui représentent actuellement 81 % de sa production et 89 % de ses réserves prouvées.
« Stimulant »
Si le vice-président de Tullow Oil rappelle que son itinéraire africain a commencé en 1986 au Sénégal, il est aujourd’hui davantage tourné vers les pays anglophones que francophones. « C’est un hasard, pas un choix, si nous avons trouvé les perspectives les plus intéressantes au Ghana, en Ouganda et au Kenya ! » affirme-t-il.
Aujourd’hui, il souhaite relever trois défis opérationnels en priorité. Faire passer la production du fameux gisement Jubilee à 120 000 barils par jour (objectif initialement prévu pour 2010), contre une moyenne de 103 000 au premier semestre 2014. Réussir le développement du projet offshore de Tweneboa-Enyenra-Ntomme (TEN) au Ghana, qui doit entrer en production mi-2016 (avec 80 000 barils par jour). Et rencontrer le même succès avec celui des rives ougandaises du lac Albert, où il compte sur quelque 200 000 barils par jour d’ici à 2018 avec ses partenaires, le français Total et le chinois Cnooc.
Tim O’Hanlon attend également beaucoup de ses projets kényans de la vallée du Rift, où ses équipes multiplient actuellement les forages exploratoires. Le dirigeant pétrolier n’en oublie pas pour autant l’Afrique francophone : le groupe poursuit ses activités d’exploration au Gabon, en Mauritanie et en Guinée. Mais ces projets ne sont pas prioritaires pour l’instant, faute de découvertes marquantes.
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Pour les professionnels du secteur, Tim O’Hanlon reste un précurseur dans le lancement de nouvelles zones pétrolières, aussi bien dans l’ouest que dans l’est du continent. « Sous sa direction, Tullow Oil a su prendre les bonnes options en matière d’exploration. Il a des intuitions nées d’une bonne connaissance de la géologie des zones et n’a pas hésité à prendre des risques – notamment politiques – pour les suivre », note Olivier Perrin, associé chez Schlumberger Business Consulting. Guy Maurice, directeur Afrique exploration et production de Total, associé avec Tullow Oil en Ouganda, confirme, saluant « un partenaire proactif et stimulant dans le domaine de l’exploration ».
Alors que l’industrie pétrolière est dans la tourmente, avec un cours du brut passé de 107 dollars le baril en juin 2014 à 76 dollars le 27 novembre, Tim O’Hanlon se veut plus sélectif dans ses investissements. « Celui qui ne cherche pas du pétrole n’en trouve pas ! Notre groupe a toujours été plus « risqueur » que les autres, et nous continuerons à explorer le sous-sol du continent africain, qui reste selon nous la zone qui recèle le plus d’opportunités, affirme-t-il. Mais, du fait de la baisse des cours, l’aversion au risque de nos partenaires financiers grandit. Aujourd’hui, il n’y a de capitaux disponibles que pour les excellents projets, nous devons nous adapter ! »
Ainsi, Tim O’Hanlon poursuit l’exploration, mais pas tous azimuts, et met Tullow Oil au régime. Il s’agit d’abord de diminuer les coûts de développement des projets lancés, notamment en Ouganda, où, sous la pression de l’énergique manager, ils ont déjà été réduits d’un tiers. L’Irlandais veut également éviter la dispersion. Il vient de mettre fin aux projets sous-marins namibiens de Tullow Oil, jugés insuffisamment prometteurs. Et même si Jubilee a été à l’origine de sa renommée actuelle, il veut aujourd’hui concentrer ses efforts sur des gisements à terre, moins coûteux que les champs sous-marins.
« Le développement de puits onshore est parfois complexe, sur le plan des relations locales notamment. Mais nous avons appris à dialoguer, à faire preuve de flexibilité et à nous approvisionner sur place. Nous sommes à même de mener à bien ces activités, en particulier dans les pays sans tradition pétrolière, qui ont besoin de notre expertise », estime-t-il. Suivant cette logique, Tim O’Hanlon se reprend à rêver de la RD Congo, malgré l’éviction cuisante de son groupe par les autorités du pays en 2008.
Alors que Tullow Oil était détenteur de permis pétroliers sur la rive congolaise du lac Albert, le gouvernement les lui avait annulés puis les avait revendus à deux sociétés détenues majoritairement par l’homme d’affaires controversé Dan Gertler, proche du président Joseph Kabila.
« Nous ne détenons plus rien là-bas, c’est encore une zone réservée aux « cow-boys », regrette Tim O’Hanlon. Et pourtant, en matière pétrolière, c’est le dernier grand territoire inexploré du continent, la dernière frontière. Nous restons en veille sur l’est du pays en particulier, compte tenu de sa proximité avec nos projets ougandais », indique-t-il, conscient toutefois qu’il lui faudra encore attendre plusieurs années.
D’ici là, le patron de Tullow Oil en Afrique est persuadé que la meilleure façon de séduire de nouveau Kinshasa sera de réussir l’entrée en production des projets ougandais, avec la mise en service d’une raffinerie locale et la réalisation d’un pipeline jusqu’au Kenya.
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