Pourquoi Quentin Noirfalisse et Kris Berwouts sont-ils devenus « indésirables » en RDC ?
Alors qu’il est sur le point de quitter la RDC à la mi-septembre, le journaliste belge Quentin Noirfalisse est interpellé par les autorités congolaises et placé en détention. Moins de dix jours plus tard, un chercheur-consultant belge est interpellé à l’aéroport de Goma. Retour sur deux affaires aux motivations mystérieuses.
Le 19 septembre dernier, Quentin Noirfalisse s’apprête à prendre l’avion à l’aéroport de Kinshasa-N’djili, lorsqu’un agent de la Direction générale de migration (DGM) l’enjoint de le suivre. Le jeune Belge de 31 ans obtempère et est conduit en voiture au siège de la DGM sur le boulevard du 30 juin. Il passe alors la nuit en détention, en compagnie d’une quinzaine d’illégaux.
« Jusqu’à présent, personne ne m’avait informé du motif de mon arrestation, et je commençais sérieusement à gamberger », explique-t-il. Il tente alors de soudoyer l’un de ses geôliers, afin de pouvoir passer des coups de fil et alerter son ambassade.
Journaliste et réalisateur, Quentin Noirfalisse était de passage à Kinshasa pour présenter dans les quartiers populaires de la capitale son documentaire « Le Ministre des Poubelles », dont le tournage a débuté en 2014. Un film centré sur l’artiste Emmanuel Botalatala, qui produit des œuvres à partir des déchets déversés chaque jour par les habitants de Kinshasa.
« Certes, il s’inspire de l’actualité politique de son pays, précise Quentin Noirfalisse. Mais ce n’est pas un activiste. Son propos est constructif et plein de bon sens. »
« Galvaniser des mouvements de jeunes activistes »
Le lendemain de son arrestation, Quentin Noirfalisse est transféré à l’Agence nationale de renseignement (ANR), où on lui avoue à demi-mot qu’il aurait été dénoncé par un tiers pour ses activités dans le pays. Les accusations à son encontre ne sont pas très précises.
Reçu par le directeur de cabinet de l’administration générale, on lui reproche notamment d’avoir « galvanisé des mouvements de jeunes activistes ». « Je n’ai pas subi de véritable interrogatoire, explique-t-il. Ils voulaient connaître mes activités et mes liens supposés avec la Lucha. Certes, je m’intéresse à eux, comme toute personne qui travaille sur la RDC. Mais je n’ai aucun lien direct avec leurs membres. »
Autre point singulier : l’intérêt de ses geôliers pour un autre Belge, du nom de Kris Berwouts, qui se présente sur son profil Twitter comme analyste indépendant et consultant en conflit, sécurité et démocratie. Il est également l’auteur d’un livre en anglais intitulé Congo’s violent peace, Conflit and struggle since the Great African War. « On s’est rencontré à deux reprises, mais nous nous connaissons à peine », explique Quentin Noirfalisse.
Kris Berwouts dans le viseur
Sur ces entrefaites, le directeur de cabinet lui assure que son dossier sera vite réglé. Deux heures plus tard, le jeune homme est finalement reconduit à l’aéroport, où il récupère son passeport. Un papier lui est également remis, avec la mention « indésirable dans le pays ».
De retour à Bruxelles, il avertit Kris Berwouts que l’ANR s’intéresse à lui. Idem du côté des services diplomatiques belges alertés par des rumeurs persistantes sur une possible arrestation.
« À ce moment-là, j’étais à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, précise Kris Berwouts. Mon plan initial était de séjourner quelques jours à Kinshasa, avant de rentrer chez moi en Belgique. Mais j’ai finalement décidé de quitter le pays directement en prenant un vol le 27 septembre à Goma pour Addis-Abeba (la capitale de l’Ethiopie, ndlr). »
Et rebelote : un agent de la DGM l’interpelle peu avant qu’il ne prenne son avion et le conduit au siège de l’institution à Goma. Aussitôt, le chercheur alerte son ambassade et ses contacts dans le monde politique congolais, avec qui il entretient de « bonnes relations ».
« Deux heures plus tard, on est revenu me chercher et on m’a conduit jusqu’au pied de l’avion », explique-t-il. À bord, il découvre que son visa, censé courir jusqu’au 31 mars 2018, a été annulé.
Des précédents
Une vraie-fausse arrestation perçue par le chercheur comme le signe « d’un régime nerveux », en proie à une peur phobique des « émeutes et du chaos », alors que s’approche l’échéance fixée par l’accord de la Saint-Sylvestre. Même analyse du côté de Quentin Noirfalisse, qui voit dans sa détention « une manœuvre d’intimidation » des Congolais.
Les deux affaires rappellent aussi les précédents des journalistes et chercheurs désormais personæ non gratæ dans le pays. C’est le cas notamment de la journaliste de RFI Sonia Rolley, du chercheur américain du GEC Jason Stearns ou encore de Ida Sawyer, la représentante de Human Rights en RDC.
Contacté par Jeune Afrique, le ministre congolais de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadari, a déclaré « ne pas être au courant de la situation ». Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a de son côté affirmé que le Directeur de la DGM était en déplacement hors du pays et n’était donc pas joignable.
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