CPI : Luis Moreno Ocampo, l’accusateur accusé
Dans une retentissante série d’articles, le site d’information Mediapart écorne quelque peu l’image d’incorruptible du prédécesseur de Fatou Bensouda. De quoi apporter de l’eau au moulin des déserteurs africains de la juridiction de La Haye ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 4 octobre 2017 Lecture : 2 minutes.
Ça doit rire sous cape, dans les travées du palais de Khartoum. Nul doute que le président soudanais a dû s’abonner à Mediapart… Cette fois, c’est un ennemi historique d’Omar el-Béchir qui est sur la sellette, celui qui décida, en juillet 2008, de le poursuivre devant la Cour pénale internationale, pour faits de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’Humanité. Il faudra pas moins d’une semaine de publications à Médiapart pour dérouler des révélations issues de plus de 40 000 documents confidentiels qui constitueraient « la plus grande fuite de données sur la justice internationale ». Conçue en collaboration avec huit autres médias internationaux membres de l’European Investigative Collaborations, la série sensationnaliste s’intitule « Les Secrets de la Cour » et cible donc tout particulièrement l’ancien procureur de la CPI.
L’Argentin Luis Moreno Ocampo aurait mélangé les genres. Lui qui avait lancé un mandat d’arrêt contre Mouammar Kadhafi, on le retrouve brièvement, quelques années plus tard, comme « consultant juridique » du milliardaire libyen politisé Hassan Tatanaki. Selon Mediapart, l’ancien procureur aurait en fait joué un rôle de lobbyiste chargé d’accrocher des casseroles judiciaires et de susciter des sanctions diplomatiques contre certains acteurs politiques libyens. Il serait également question de comptes et de sociétés dans des paradis fiscaux, au Panama ou encore aux îles Vierges.
Instrument de pression ?
Fautes d’individus ou dysfonctionnement prévisible du statut que leur confia une juridiction souvent jugée illégitime ? Certaines autorités du continent africain évoquent une politisation discriminatoire de l’action de la CPI qui serait devenue un instrument de pression sur les gouvernements des pays pauvres, voire un moyen de déstabilisation de leurs Etats. Les révélations sur certains anciens responsables du tribunal de La Haye donneront-elles, à certains chefs d’Etat, le courage de mettre à exécution leur menace de reniement du traité de Rome ? En octobre 2016, le Burundi était le premier pays à se retirer de la Cour pénale internationale, par un vote de son Parlement. L’Afrique du Sud, la Gambie ou la Namibie témoignèrent leur solidarité, sur ce point, avec le régime de Pierre Nkurunziza.
Les révélations de Mediapart ne sont que le point de départ d’un processus qui devra déterminer si le présumé innocent Luis Moreno Ocampo doit avoir mauvaise conscience et si la Cour pénale internationale doit assumer une quelconque responsabilité dans cette affaire. L’ancien procureur est aujourd’hui avocat privé. Gageons qu’il saura se défendre.
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