Pourquoi les États africains ont-ils un problème de gestion de leurs eaux transfrontalières ?

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE, 2010), l’Afrique compte environ 63 bassins hydrographiques transfrontaliers internationaux qui concernent des États comptant pour 64 % de sa superficie, 77 % de sa population, et 93 % de ses ressources en eaux douces de surface.

La rivière Oubangui, affluent du fleuve Congo, est à cheval sur trois États : la RDC, le Congo et la Centrafrique. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

La rivière Oubangui, affluent du fleuve Congo, est à cheval sur trois États : la RDC, le Congo et la Centrafrique. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

jomalassi
  • Joe Malassi

    Joe Malassi est doctorant en droit de l’environnement à l’Université du Kwazulu Natal (Afrique du Sud), spécialisé dans le droit de l’adaptation aux changements climatiques et dans l’impact de ces derniers sur le droit de l’utilisation des ressources hydriques et naturelles transfrontalières.

Publié le 5 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

De ces 64 bassins, 19 seulement font l’objet d’un accord sur les eaux transfrontalières, dont 15 ne couvrent même pas l’ensemble des États riverains du cours d’eau en cause. Le continent africain a donc un problème de gestion de ses eaux transfrontalières.

En droit international, un cours d’eau transfrontalier, c’est à dire qui traverse les territoires physiques de plusieurs États, est une ressource « partagée » entre ces derniers. La gestion de cette catégorie de cours d’eaux ne s’envisage pas de la même manière que celle d’un cours d’eau ne baignant que le territoire d’un seul État ; méconnaître cela équivaut à entretenir des conflits inter-étatiques dont les dimensions, la portée et les conséquences sont souvent insoupçonnées.

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Adoptée en mai 1997, et entrée en vigueur en août 2014, la Convention des Nations unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation constitue une tentative de résolution de ce problème. Mais hélas, l’instrument semble souffrir d’une crise de notoriété, vu le peu d’engouement affiché par les États pour sa mise en application. En effet, de son adoption en 1997 à son entrée en vigueur en 2014, il aura fallu attendre 17 ans (contre par exemple une seule année pour l’accord climatique de Paris de 2015). Sans compter le fait qu’elle ne comporte à ce jour que 35 ratifications, dont 10 sont africaines, parmi lesquelles très peu de pays membres de bassins hydrographiques à haut potentiel de conflit, tel que les bassins du Nil ou du Congo.

Promouvant paix, coopération et développement régional des bassins hydrographiques transfrontaliers, les articles 3, 5, 8, et 25 de la convention enjoignent aux signataires de coopérer en vue de l’adoption d’accords autour des eaux partagées, adaptant les principes généraux de la convention à leurs circonstances et besoins spécifiques. L’article 7 requiert d’eux qu’ils prennent des mesures nécessaires pour éviter tout dommage significatif réciproque, et qu’ils réparent avec diligence tout dommage probable, afin de rétablir l’équilibre dans le bassin et d’utiliser et de protéger dans l’harmonie les ressources partagées. Par conséquent, tout acte contraire à ce qui précède par un État constituerait une pure et simple violation de ses obligations internationales.

De 2020 à 2050 par exemple, environ 250 à 600 millions de personnes vivront sur le continent en état de stress hydrique

Les disputes entre États du bassin du fleuve Nil autour des droits d’usage des eaux, la controverse autour du barrage de la renaissance éthiopienne érigée sur le Nil, l’assèchement du Lac Tchad et le projet controversé de sa « perfusion» par voie de transfert des eaux de la rivière transfrontalières Oubangui, etc. sont autant d’exemples qui attestent du peu d’intérêt à appliquer la convention des Nations unies sur les eaux douces internationales en Afrique.

Dans la poursuite de la paix et de l’intégration régionale du continent, les États africains devraient diligemment corriger cet état de choses, d’autant plus que les prévisions climatiques impactant leurs ressources en eau douce ne sont pas très optimistes. Durant la période allant de 2020 à 2050 par exemple, environ 250 à 600 millions de personnes vivront sur le continent en état de stress hydrique du fait de l’explosion démographique, de l’expansion économique, et des effets néfastes des changements climatiques (PNUE, 2010). Il convient donc dès à présent de poser les bases juridiques et institutionnelles nécessaires en vue d’une gestion concertée des ressources hydriques partagées du continent, en mettant en application la convention des Nations unies relative aux cours d’eaux internationaux.

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