Droits des femmes en Arabie Saoudite : circulez, y a rien à voir !

Le monde entier s’est félicité de la nouvelle, on a entendu des youyous sur toutes les chaînes, des bravos émus sur les ondes, des films programmés à l’occasion, la planète entière fut rameutée au cri d’« Oyez ! Oyez ! le gouvernement saoudien vient d’accorder l’autorisation de conduire à ses “citoyennes” ! ».

Dans une rue de Riyadh, en Arabie saoudite, en mars 2014. © Hasan Jamali/AP/SIPA

Dans une rue de Riyadh, en Arabie saoudite, en mars 2014. © Hasan Jamali/AP/SIPA

Fawzia Zouria

Publié le 13 octobre 2017 Lecture : 3 minutes.

Quel événement extraordinaire ! Quelle avancée pour les femmes ! On eût dit que le roi Salman venait de supprimer le patriarcat ; ou de léguer la moitié de son royaume aux filles. Laissez-moi rire : à l’heure où le deuxième sexe s’affranchit partout et dans tous les domaines, voilà qu’on nous présente comme un scoop le fait que la Saoudienne soit sur le point de faire joujou avec une auto.

À l’heure où, sous d’autres cieux, la gent féminine met un pied sur la lune, on s’époumone sur la Bédouine qui pose un pied sur une pédale. À l’heure des véhicules sans conducteurs, on nous vante une mesure qui sera bientôt tombée en désuétude. On aurait continué à priver les Saoudiennes de volant, franchement, ça aurait fait du bien à la planète et rien changé à la condition des femmes.

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Des effets de diversion

Ça nous fait quoi que les filles de Riyad conduisent, en effet ? Personnellement, je m’en fiche. Et je refuse d’oublier que ce sont là des effets de manches pour faire diversion sur les mille et une autres humiliations infligées aux femmes de ce pays, sans compter les décapitations, les atteintes aux droits de l’homme, la guerre au Yémen, bref, le wahhabisme dans toute son horreur.

Ça m’indiffère que ces dames – forcément les plus riches – sortent leurs bolides pour aller dépenser leur argent dans les malls ou raccompagner leurs bonnes, alors même qu’elles continuent à être considérées comme des objets et que leurs cheikhs jugent qu’elles ont seulement « un quart de la matière grise des hommes ».

Une offre fallacieuse

Si j’étais le gouvernement saoudien, j’aurais été gêné qu’on fasse tant de tapage autour de cette affaire. C’est comme un mari qui irait fanfaronner devant le tribunal en disant qu’il a renoncé à tabasser son épouse sur toutes les parties du corps, il épargnera désormais les bras ou les fesses. Ou bien un esclavagiste qui concéderait publiquement à son esclave une chaîne en moins, oubliant qu’il confirme par là même son statut d’esclavagiste.

Si j’étais saoudienne, je refuserais une offre aussi fallacieuse. Non seulement parce qu’elle n’a rien à voir avec une liberté ou un besoin essentiels, mais aussi parce qu’elle est assortie d’un règlement qui frise le ridicule.

Mesdames, si vous voulez conduire, sachez que c’est à partir de 30 ans, pas avant

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Voici ce que dit à peu près le législateur local aux candidates à ce permis de dupes (et je ne caricature même pas) : « Mesdames, si vous voulez conduire, sachez que c’est à partir de 30 ans, pas avant. Dans la mesure où vous êtes considérées comme des mineures à vie, il vous faudra l’autorisation de vos tuteurs. Sachez aussi que le périmètre de vos déplacements est limité : interdiction de s’aventurer à l’extérieur de la ville, sauf si vos sidis sont vissés à vos côtés. Votre qualité de femme restreint vos heures de conduite, il vous revient moitié moins d’heures que les hommes, comme pour l’héritage. Vous ne circulerez donc que de 7 heures à 20 heures du samedi au mercredi et de 12 heures à 20 heures du jeudi au vendredi. N’oubliez pas de vous couvrir un maximum, tant pis pour la visibilité, et ne mettez pas un brin de maquillage, ça risque de dissiper l’attention des conducteurs masculins, vous les connaissez, déjà qu’à pied ils trébuchent à la vue d’une houri. Maintenant, vous pouvez toujours rouler ! »

Une révolution ?

Et dire que mes collègues occidentaux veulent faire passer « ça » pour une révolution ! Moi, je me demande si ce n’est pas une façon insidieuse de désigner l’arriération des Arabes que nous sommes et de rire de notre bêtise, dont le lauréat, comme à chaque concours, est la fameuse et non moins heureuse Arabie…

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