Attentat du 6 avril 1994 : la justice française ordonne une confrontation entre James Kabarebe et un nouveau témoin
Le juge français chargé de l’instruction sur l’attentat du 6 avril 1994 visant l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana a ordonné la confrontation d’un nouveau témoin avec deux personnes mises en examen dans ce dossier. Ce témoin accrédite la thèse selon laquelle l’attentat aurait été commis sur ordre de Paul Kagame.
Comme Jeune Afrique le révélait dans son édition du 1er octobre (JA n°2960), un nouveau témoin dans l’instruction menée en France depuis près de 20 ans sur l’attentat du 6 avril 1994 visant l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana a été entendu par le juge d’instruction français en mars, à deux reprises, dans la plus grande discrétion.
On apprend aujourd’hui, par une source proche du dossier citée par l’Agence France-presse sous couvert d’anonymat, que le juge français a ordonné la confrontation de ce nouveau témoin avec deux personnes déjà mises en examen en 2010 : James Kabarebe, actuel ministre de la Défense du Rwanda, et Franck Nziza, l’un des deux tireurs présumés.
Confrontation prévue mi-décembre
Le nouveau témoin, ex-militaire des Rwanda Defence Force réfugié en Grande-Bretagne après avoir fait défection, affirme avoir participé à l’acheminement des missiles ayant abattu l’avion lorsqu’il était membre de la rébellion tutsie. Responsable d’une section du Front patriotique rwandais (FPR), il affirme avoir eu la garde de deux missiles SA-16 au QG du mouvement dirigé par Paul Kagame, à Mulindi, près de la frontière avec l’Ouganda. Il affirme avoir chargé les missiles en mars 1994 sur un camion en partance pour Kigali, en présence de James Kabarebe.
« En juillet 1994, les deux tireurs de missiles, à savoir Franck Nziza et Eric Hakizimana [inconnu au bataillon à Kigali, NDLR] sont revenus à leur unité. Ils nous ont alors raconté (…) qu’ils ont tiré depuis un endroit nommé Massaka et plus précisément encore depuis un pont où ils avaient vue sur l’aéroport », aurait également affirmé ce témoin lors de ces auditions.
Selon la source citée par l’AFP, la confrontation est prévue – par la justice française – pour la mi-décembre.
Deux thèses et près de 20 ans d’instruction
L’instruction française sur l’attentat du 6 avril 1994, ouverte en 1998 suite à la plainte déposée par les familles des pilotes français, avait débouché sur l’émission de neuf mandats d’arrêts internationaux en 2006 par le juge Jean-Louis Bruguière, alors en charge du dossier. Sept personnes avaient été mises en examen.
La responsabilité de l’attentat du 6 avril 1994, qui a été le prétexte au déclenchement du génocide des Tutsis au Rwanda, est au centre d’une âpre bataille judiciaire et historique. D’un côté, les tenants de la thèse d’un attentat fomenté par Paul Kagame, actuel président du Rwanda et alors leader du FPR – thèse qui semble bien être celle de ce nouveau témoin.
De l’autre, la thèse défendue par la commission d’enquête rwandaise, qui conclut à la responsabilité de la frange la plus extrémiste du pouvoir hutu rwandais, qui considérait le président Juvénal Habyarimana encore trop peu radical à l’encontre des Tutsis. Cette version est aussi celle qui, depuis 1994, a été jugée la plus crédible par différents observateurs non-rwandais, qu’il s’agisse de journalistes, de la Commission d’enquête du Sénat belge, ou encore des services secrets belges, français ou américains.
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